Page 474 - Les merveilles de l'industrie T3 Web
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LE BLANCHIMENT. 473
Le moyen que Berthollet préférait pour le chlore pendant sa préparation. Berthollet
essayer la force décolorante de ses liqueurs était fort ennemi de ce liquide décolorant.
était la dissolution d’indigo dans l’acide sul 11 prétendait qu’on ne pouvait blanchir avec
furique, c’est-à-dire le sulfate d’indigo. de l’eau de Javelle qu’une quantité de toile
C'est ici le lieu d’expliquer le mot d'eau bien moins considérable que celle qu’on
de Javelle, qui est encore conservé dans blanchirait avec la même quantité de chlore
l’industrie pour désigner le chlorure de simplement dissous dans l’eau.
soude, ou la dissolution du chlore dans de Berthollet appliqua, mais sans succès, le
l'eau contenant du carbonate de soude. chlore au blanchiment de la cire : cette ma
Voici le fait qui est devenu l’origine de tière conservait toujours une teinte jaune,
cette désignation. à moins qu’on ne répétât un grand nombre
Au commencement de ses expériences, de fois l’opération.
Berthollet fut prié de montrer dans une Diverses expériences prouvèrent à Ber
grande fabrique de produits chimiques qui thollet qu’on peut se servir du chlore pour
existait à Javelle, village près de Paris, éprouver la solidité des couleurs, et pour
comment il fallait préparer le chlore, et découvrir, en quelques instants, quelles dé
comment on devait s’en servir pour le blan gradations le temps peut y produire.
chiment. A celte époque, Berthollet em- Le mémoire publié en 1785 par Berthol
ployait encore, pour préparer son liquide let, a marqué dans l’histoire de la science
décolorant, une dissolution de chlore dans et de l’industrie une date trop impor
l’eau, à laquelle il ajoutait un peu d’alcali. tante pour que nous ne fassions pas con
C'est l’opération qu’il fit exécuter dans le naître sommairement les principes et les
laboratoire de la fabrique de Javelle. faits contenus dans ce mémorable travail.
Berthollet commence par définir le blan
« Quelque temps après, dit-il, les manufactu
riers de Javelle publièrent dans différents journaux chiment.
qu’ils avaient découvert une liqueur particulière
« Lorsqu’on blanchit du lin sous la forme de fil
qu’ils appelèrent lessive de Javelle, et qui avait la ou de toile, par le moyen de l’acide muriatique
propriété de blanchir les toiles par une immersion
oxygéné, cet acide perd l’oxygène, et les parties qui
de quelques heures. »
lui ont enlevé ce principe, deviennent propres à se
combiner avec les alcalis. En répétant l’action de
Le changement que le directeur de la fa l’acide muriatique oxygéné et celle des alcalis,
brique de Javelle avait apporté au procédé toutes les parties colorantes sont enlevées successi
de Berthollet consistait à ajouter beaucoup vement, et le lin devient blanc.
« Le blanchiment consiste donc à rendre, par le
plus de carbonate de soude dans l’eau qui
moyen de l’oxygène, les parties colorantes qui sont
recevait le gaz, ce qui provoquait une plus fixées dans les filaments du lin solubles par les alca
grande absorption de chlore. Cette liqueur lis des lessives, et l’acide muriatique oxygéné fait
chloro-alcaline fut connue dès lors sous le avec plus de promptitude et d’énergie ce qu’opère
l’exposition sur les prés dans le blanchiment ordi
nom d'eau de Javelle. Ce n’est pas à pro naire. Telle est la théorie du blanchiment. »
prement parler un chlorure de soude, mais
une dissolution de chlore dans un excès de Ce mémoire peut être résumé comme il
carbonate de soude ou de potasse. C’est un suit:
liquide très-alcalin, très-variable dans sa La cause du blanchiment des fils et toiles
composition, et dont les blanchsiseurs font de lin et de chanvre est dans l’enlèvement
aujourd’hui un grand abus. Sa couleur rou des parties colorantes qui forment jusqu’au
geâtre est due à une petite quantité de chlo quart et même jusqu’au tiers de leur poids.
rure de manganèse qui est entraînée par Les alcalis ne dissolvent qu’une petite