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                  moyens dont on fait usage pour purifier   faut considérer que, lorsqu’on met l’infusion
                  l’eau des chaudières à vapeur.            de tan en contact avec la peau, pour qnc
                    L’eau destinée aux teinturiers doit être   le tannin s’introduise dans tous ses intersti­
                  d’une pureté toute particulière, tant sous le   ces, la peau a déjà été gonflée par de lon­
                  rapport physique que sous le rapport chi­  gues et nombreuses préparations, qui ont
                  mique. Une eau calcaire modifie ou altère   consisté à élargir ses pores par des liqueurs
                  les couleurs des substances tinctoriales; une   faiblement acides. Or, si l’eau était chargée
                  eau trouble ternit les couleurs et les prive   de sels de chaux, la chaux se combinerait
                  de leur éclat. Les eaux de la Bièvre sont   avec le tissu de la peau gonflée, à la place
                  renommées pour les usages de la teinture ;   du tannin, et donnerait un cuir d’une infé­
                  mais il existe dans tous les pays des eaux de   riorité relative. En second lieu, l’eau char­
                  rivières ou de sources bien plus pures. Les   gée de sels dissout moins de tannin que
                  teinturiers de Lyon , de Rouen, de Lille,   l’eau pure, et comme la préparation des in­
                  savent par expérience à quelles eaux ils   fusions tannantes avec l’écorce de chêne, le
                  doivent donner la préférence pour compo­  sumac et autres substances végétales, est
                  ser leurs bains de teinture. La pratique et   l’opération fondamentale dans les tanneries,
                  l’observation renseignent sur cette question   le choix d’une eau dissolvant la plus grande
                  les chefs d’atelier. Souvent un teinturier   partie possible du tannin de l’écorce, est
                  n’est guidé que par la seule nature des eaux,   une question capitale pour le fabricant, qui
                  dans le choix de l’emplacement de son     a tout intérêt à tirer tout le parti possible
                  usine. Et si le chimiste analyse ensuite les   des écorces, c’est-à-dire à ne rien perdre de
                  eaux dont le teinturier fait usage de préfé­  leur principe actif.
                  rence, il constate l’absence à peu près     Chez les brasseurs, le même principe
                  complète, dans cette eau, des sels de chaux.   trouve son application. L’eau pure est beau­
                  C’est donc l’examen chimique,uni à l’obser­  coup plus dissolvante que l’eau chargée de
                  vation, qui doit diriger le teinturier dans   sels. Or, le houblon et l’orge servent, dans
                  cette grande question.                    les brasseries, à composer les infusions qui
                    Les tanneurs ont autant d’intérêt que les   doivent constituer la bière. Le houblon,
                  teinturiers à choisir une eau, sinon limpide,   particulièrement, est partout d’un assez
                  au moins très-pure, c’est-à-dire exempte de   haut prix ; il n’est donc pas indifférent au
                  sels de chaux. Jamais un tanneur ne fera   brasseur d’employer une eau non calcaire,
                  usage d’eau de puits pour remplir ses fosses   qui réalise pour lui une véritable économie.
                  ou pour préparer ses infusions tannantes.   Ajoutons que la bière étant une boisson, la
                  L’eau de source et, à son défaut, l’eau de   salubrité exige que l’on s’adresse pour sa
                  rivière, ont seules accès dans les tanneries.   préparation à l’eau la plus pure. Les bras­
                  Les tanneurs de Paris ont longtemps pensé   seurs de Paris doivent se faire un devoir
                  que l’eau de la Bièvre était supérieure à   de substituer à l’eau de la Seine, l’eau de la
                  l’eau de la Seine pour leur industrie, et   Dhuis ou de la Vanne, si pures et si salubres,
                  c’est pour cela que les bords de la Bièvre   dont la capitale est aujourd’hui dotée.
                  étaient encombrés de tanneries. On est re­  Il faut également une eau pure pour les
                  venu aujourd’hui de cette idée, car beau­  préparations de l’art du confiseur et du li-
                  coup de tanneries existent au bord de la   quoriste, afin que la saveur et ici qualités
                  Seine, principalement à Puteaux.          de leurs sirops ne soient point altérées. Ici
                    Pour comprendre la nécessité de bannir   pourtant, cette considération a moins de va­
                  les eaux calcaires des ateliers de tannage, il   leur que pour la fabrication de la bière, en
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