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362                  MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


                    resta conducteur de la machine de Marly   coteau et reliées, par des boulons, à des sup­
                    jusqu’à sa mort.                          ports oscillants, dit varlets, fixés au sol.
                      Les avis sont partagés sur la part relative   En réunissant toutes les pompes que nous
                    de Rannequin Swalem et du baron de        venons de mentionner, on trouve que le
                    Ville dans l’exécution de ce grand travail,   nombre total des pompes employées pour
                    Bélidor, dans son Traité d'architecture hy­  élever l’eau au sommet de l’aqueduc de
                    draulique publié en 1739, présente Ranne­  Marly, atteignait, comme nous l’avons dit,
                    quin comme le véritable inventeur; mais les   le chiffre de 211.
                    écrivains contemporains ont écrit le con­   Les eaux, ainsi élevées, se rendaient par
                    traire.                                   l’aqueduc, soit au château d’eau de Marly,
                      La machine exécutée par le baron de     soit à Versailles.
                    Ville et Rannequin, commença à fonction­     Pour arriver à Vèrsailles, elles suivaient
                    ner en 1682. Elle avait coûté plus de 8 mil­  l’aqueduc dit de Marly qui existe encore.
                    lions, ce qui équivaudrait à une somme    Cet aqueduc, qui a 6,200 mètres de lon­
                    triple aujourd’hui.                       gueur, sert aujourd’hui, comme au siècle
                      Le baron de Ville et Rannequin avaient   dernier, à porter dans le réservoir de la
                    pris une grande partie de l’eau de la     butte de Picardie, les eaux des machines
                    Seine pour l’élever à Marly. Pour cela, ils   actuelles.
                    avaient réuni, par un barrage commun, les   Cependant, le « monstre de Marly »,
                    diverses îles qui existent entre Bezons et   comme on l’appelait, ne put jamais fournir
                    Marly, et fermé ce bras par des vannes,   à Versailles qu’un volume d’eau assez res­
                    vers son extrémité inférieure. Ils purent   treint. C’est que la force motrice de cet
                    ainsi mettre en mouvement 14 roues d’en­  énorme assemblage était en très-grande
                    viron 12 mètres de diamètre, dont les     partie absorbée par les frottements des ba­
                    arbres armés de manivelles faisaient mou­  lanciers et des bielles, qui transmettaient
                    voir 211 pompes aspirantes et foulantes   la force des roues aux pistons des deux
                    étagées sur le flanc du coteau. Les pompes   étages de pompes échelonnées sur les flancs
                    inférieures, au nombre de 64, envoyaient   du coteau. On prétend que le volume élevé
                    les eaux par 5 conduites dans un premier   par les pompes était à l’origine de 5,000
                    réservoir situé à 50 mètres environ au-des­  mètres cubes d’eau en vingt-quatre heures,
                    sus de la Seine. Là elles étaient reprises par   mais il diminua rapidement par l’usure des
                    79 autres pompes, qui les portaient dans un   pièces, et ayant perdu les 5/6 de sa puis­
                    second réservoir situé à 50 mètres plus   sance, il ne put suffire à tous les besoins
                    haut. De ce second réservoir, elles étaient   auxquels on avait espéré satisfaire.
                    élevées par une troisième série de 78       La machine de Marly était une œuvre
                    pompes, à 155 mètres au-dessus du ni­     gigantesque, mais ses grandes dimensions
                    veau de la Seine. Là se trouvait une tour   et la multiplicité de ses pièces mobiles en­
                    qui formait le point de départ de l’aqueduc   traînaient beaucoup d’inconvénients et de
                    de Marly et qui était à plus de 1200 mètres   désordres. Lorsque Bélidor écrivait son
                    au-dessus de la rivière. C’était un vérita­  Traité d'hydraulique, c’est-à-dire en 1739,
                    ble tour de force pour l’art mécanique du   la machine était déjà en partie épuisée, et
                    xviii' siècle.                             les réparations coûtaient des sommes énor­
                      Les pompes des deux étages supérieurs   mes. On chercha, mais en vain, à exciter le
                    recevaient le mouvement de l’eau, au moyen   zèle des ingénieurs par des promesses, par
                    de tringles disposées suivant la pente du   des offres magnifiques, pour essayer de lui
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