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INDUSTRIE DE L’EAU.                                 31


        dant ajouter que la neige peut présenter,   dant les nuits, si froides, du mois de fé­
        exceptionnellement, une autre coloration.   vrier 1870, il tomba de la neige rouge à
        Elle peut revêtir une teinte rougeâtre ; de   Montcalieri (Italie.) La coloration de cette
        sorte qu’à certaines époques de l’année, les   neige était produite, selon M. Tarry, qui a
        montagnes semblent avoir revetu un man­   publié, en 1871, un mémoire sur cette ques­
        teau de pourpre.                          tion, par du sable rouge du Sahara, qu’un
          Les navigateurs ont trouvé de la neige   ouragan atmosphérique avait transporté de
        rouge au Groenland, au Spitzberg, dans la   l’intérieur de l’Afrique jusque sur les côtes
        Nouvelle-Shetland et dans beaucoup d’au­  de l’Italie, à travers la Méditerranée.
        tres localités montagneuses. Dans les Alpes,
        on voit assez souvent de la neige rouge ; elle   La neige, étant un mauvais conducteur du
        est fréquente, par exemple, au mont Saint-   calorique, empêche le froid de pénétrer dans
        Bernard. Les capitaines Scoresby, Ferry et   le sol à de grandes profondeurs. Cette vertu
        Ross ont trouvé, sur les glaces du pôle aus­  préservatrice de la neige a été depuis long­
        tral, de la neige rouge orangé et de couleur   temps constatée par les agriculteurs, qui lui
        saumon.                                   sont souvent redevables de la conservation
          De Candolle fit, à Genève, une comparaison   des semences. Dans le rigoureux hiver de
        entre la substance colorante des neiges po­  1789, la gelée ne pénétra qu’à la profondeur
        laires du Nord et celle qui colore la neige du   de 22 pouces, sur les points couverts de
        mont Saint-Bernard. Wollaston, Prévost,   neige, tandis que dans les places toutes
       Thénard, etc., ont donné diverses explica­  voisines, mais dont la neige avait été ba­
        tions de ce même phénomène, dont la cause   layée par le vent, la gelée pénétra jusqu’à
        est aujourd'hui parfaitement connue.      30 pouces dans le sol. Dans des expériences
          Le lieutenant de marine, Francis Bauer,   faites en 1869, au Jardin des plantes de
       a découvert, le premier, que la matière qui   Paris, M. Becquerel a constaté le même
       colore en rouge les neiges des mers polaires   phénomène, c’est-à-dire l’obstacle qu’op­
       est un très-petit champignon du genre Uredo   pose au passage du froid la couche de neige
       (Uredo nivalis) et de Candolle a reconnu le   qui recouvre le sol. La neige fait donc
       même champignon sur les neiges du mont     ici l’office d’un véritable écran ; elle empê­
       Saint-Bernard. Ce champignon rouge ne vit   che que le sol qu’elle abrite n’acquière, la
       et ne fructifie que sur la neige. M. Bauer a re­  nuit, en rayonnant vers le ciel, une tempé­
        connu que YUredo nivalis, étant plongé dans   rature inférieure de plusieurs degrés à celle
        l'eau ordinaire, s’accroît jusqu’à maturité,   de l’air. Sa surface se refroidit par le rayon­
        mais qu’il reste incolore. Si on le place alors   nement nocturne, mais, à cause du manque
        sous la neige, il devient rouge, ce qui prouve   de conductibilité, le sol sous-jacent y par­
       que sa fructification ne peut se faire que   ticipe à peine.
       dans ce milieu froid.»
                                                    Lorsque le temps est très-froid, un ther­
          Au reste, Pline savait déjà qu’il existe de
                                                 momètre profondément enfoncé dans la
       la neige rouge. 11 dit en parlant de la   neige, indique une température plus élevée
        neige « Ipsa nixvetustate rubescil (1),
                                                 que celle qu’il indiquerait à la surface. On
          11 faut ajouter que la teinte rouge ou ro­
                                                 s’explique ainsi comment certaines person­
        sée de la neige, peut être produite par des
                                                 nes ont pu rester ensevelies plusieurs jours
        sables et des matières terreuses et ocreuses,
                                                 dans la neige, sans périr, et l’instinct phy­
        c cst-à-dire colorées par l’oxyde de fer. Pen-
                                                  sique des animaux qui, pour se garantir du
         (1) Lib. tx, caput xxxv.                 froid, se tapissent sous la neige. Cet usage
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