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INDUSTRIE DE L’EAU.                                 307


       Languedoc, proposa d’amener l’Ourcq à     J'apanage de la maison d’Orléans. La loi du
       Paris, au moyen d’un canal navigable qui   6 avril 1791, qui supprima les apanages,
       aurait débouché juste au pied de l’arc de   fit rentrer le canal dans les attributions de
       triomphe du faubourg Saint-Antoine. As­   l’État.
       socié avec son gendre, Jacques de Manse,    Le projet de Riquet différait essentielle­
       l’auteur d’une des machines du pont Notre-   ment de celui qui a été exécuté sous le
       Dame, Riquet obtint des lettres patentes   premier Empire. 11 consistait, comme on
       qui lui concédaient l’entreprise. D’après ces  .l’a vu, à amener l’eau de l’Ourcq à l’arc de
       lettres, la dérivation n’avait pas seulement   triomphe du faubourg Saint-Antoine, c’est-
       pour objet l’établissement d’un canal navi­  à-dire à un point bas de Paris. Ce n’est que
        gable ; les eaux rendues à Paris devaient   par hasard, et par extension d’un autre pro­
        servir à entretenir de nouvelles fontaines,   jet de dérivation, qu’on a songé plus tard à
        à embellir les jardins publics, faire mar­  profiter de la large coupure qui existe, de
        cher des usines, laver les égouts, etc.   Claye à Saint-Denis, dans la banlieue de
         Cette grande entreprise, si digne du génie   Paris, pour amener à la Villette, à un ni­
        de Riquet, échoua, après avoir été combat­  veau beaucoup plus élevé, par conséquent,
        tue par ceux qu’elle intéressait le plus, c’est-   le point d’arrivée du canal de dérivation.
        à-dire par les marchands de grains de la    En 1785, Brullée, ingénieur habile,
        Brie, qui auraient trouvé dans ce canal,   avait présenté à l’Académie des sciences,
        latéral à la Marne, une grande facilité pour   un mémoire relatif à la dérivation de la
        le transport de leurs marchandises, et par   Beuvronne. Ce mémoire était fort remar­
        le bureau de la ville, qui ne pouvait mé­  quable en ce sens qu’il indiquait pour la
        connaître les avantages assurés à Paris par   première fois cette grande coupure dont
        l’exécution d’un semblable projet, mais qui   nous venons de parler, comme le chemin
        craignait de voir compromises quelques-   naturel devant conduire les eaux dérivées
        unes de ses attributions.                 au niveau du plateau de la Villette. La ri­
          La mort de Riquet, survenue en 1680, et   gole d’amenée devait desservir un canal à
        celle de Colbert, son protecteur, qui ne lui   point de partage, descendant dans la Seine,
        survécut que trois ans , privèrent M. de   d’un côté au bassin de l’Arsenal, de l’autre
        Manse de ses plus fermes soutiens. Alors   à Saint-Denis, et se prolongeant de là, vers
        des tracasseries de toutes sortes vinrent pa­  Conflans-Sainte-Honorine et Pontoise. C’est,
        ralyser ses opérations. Enfin, un jugement   comme on le voit, l’idée première des ca­
        du prévôt des marchands, du 19 mai 1684,   naux Saint-Martin et Saint-Denis, dont
        l’obligea de fournir, dans le délai d’un mois,   Brullée est bien l’inventeur. L’eau sura­
        tous les plans du canal projeté, faute de   bondante de la dérivation devait être distri­
        quoi il y serait contraint par toutes les voies   buée aux habitants de Paris.
        dues, et même par corps.                    Le 24 mai 1786, les commissaires char­
          Ce jugement porta le dernier coup au    gés de l’examen de ce projet en rendirent
        projet de Riquet. On n’entendit plus parler   un compte avantageux; mais on ne donna
        de la dérivation de l’Ourcq jusqu’en 1717,   pas d’autre suite à cette idée.
        époque à laquelle la veuve de M. Manse es­   En 1790, la même affaire fut de nouveau
        saya , mais sans y parvenir, d’attirer sur   soumise à l’Assemblée constituante. La dé­
        cette entreprise l’attention du Régent.   rivation de la Beuvronne fut autorisée par
          La rivière d’Ourcq continua donc d’être   une loi du 30 janvier 1791.
        Une simple voie navigable, comprise dans  ! Mais, par suite de la pénurie de capitaux
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