Page 314 - Les merveilles de l'industrie T3 Web
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312                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


                     à la condition que la compagnie achèverait   Les fautes commises dans la conception
                     les travaux à ses frais et les entretiendrait   et l’exécution de ce travail furent amère­
                     jusqu’à l’expiration de la concession. L’en­  ment reprochées à l'ingénieur en chef,
                     trée en jouissance de la compagnie était   dans les discussions passionnées qui ne ces­
                     fixée au 1er janvier 1823 pour le canal Saint-   sèrent d’avoir lieu au sein du conseil des
                     Denis, et à partir de l’achèvement des tra­  ponts et chaussées pendant toute la durée
                     vaux pour le canal de l’Ourcq, achèvement   des travaux. La principale a tenu à cette
                     qui, d’après le traité, devait avoir lieu à la   idée fausse de Girard, partagée à tort par
                     même date du. 1er janvier 1823. La ville se   beaucoup de bons esprits de cette époque,
                     réservait 4,000 pouces d’eau pour les besoins   qu’on peut faire d’une dérivation une chose
                     de sa distribution.                       à deux fins, à savoir : un canal de navi­
                       Ce projet de traité, approuvé par le con­  gation, et une rigole pour la distribution
                     seil municipal, fut sanctionné par une loi   d’eau dans une ville.
                     en date du 18 mai 1818.                      Nous avons déjà dit quelles étaient les
                       Le canal Saint-Denis fut ouvert en grande   idées de Girard sur l’usage des eaux pu­
                     pompe, en présence de toute la cour, le 12   bliques d’une grande ville : le lavage des
                     mai 1821.                                 rues et des égouts, tel était,x selon lui, le
                       Quant au canal de l’Ourcq, il était entiè­  principal but à atteindre. Et dans cette hy­
                     rement ouvert à la fin de 1824.            pothèse il n’y a certes aucun inconvénient
                        Le canal Saint-Martin, concédé, le 5    à conduire l’eau dans un canal navigable.
                     août 1821, à une compagnie, fut achevé sous   Aux yeux de Bruyère, au contraire, les
                     la direction de M. l’ingénieur en chef Devil-   eaux distribuées doivent être non-seulement
                     liers, et, le 4 novembre 1825, on vit pour   pures, mais agréables ; ce qui exige néces­
                     la première fois descendre, des bateaux ex­  sairement qu’elles soient amenées dans un
                      pédiés de Mareuil. M. Chabrol de Volvic,   aqueduc couvert. Les idées de ces deux
                     préfet de la Seine, le corps municipal,    hommes étaient donc inconciliables; aussi,
                     quelques membres des ponts et chaussées    Bruyère se montra-t-il l’adversaire déclaré
                     et les administrateurs des compagnies ac­  du canal de l’Ourcq, et il entraîna constam­
                      compagnaient ce convoi.                   ment avec lui une partie du conseil des
                        Le 10 octobre 1829, il fut procédé à la   ponts et chaussées.
                      réception des canaux de l’Ourcq et Saint-   Girard, et quelques autres ingénieurs
                      Denis, en présence de M. le préfet de la   de cette époque, admettaient que la cons­
                      Seine, du commissaire de la ville, M. Tarbé   truction d’un aqueduc couvert demandait
                      de.Vauclair, de M. Coïc, ingénieur en chef   beaucoup plus de temps et d'argent que
                      de la compagnie, etc.                     celle d’un canal (1) ; c’était une erreur ca­
                        Ce n’est pourtant que vers 1837, ainsi que   pitale. Cette opinion se justifiait néanmoins
                      le constatent deux procès-verbaux de récep­  à une époque où l’égout de la rue de Rivoli
                      tion du 20 juin 1833, et du 21 juin 1839,   venait d’être achevé au prix fabuleux de
                      dont le dernier est définitif, que tous les   1,200 francs le mètre courant; où la gale­
                      travaux furent achevés.                   rie Saint-Denis coûtait 400 fr., et l’aqueduc
                        Ainsi se termina cette grande entreprise   de ceinture presque autant. M. Bruyère n’é­
                      du canal de l’Ourcq, qui permit enfin de   tait pas tombé dans cette erreur. « En adop­
                      donner à la distribution d’eau dans Paris un   tant des formes simples, écrivait-il, un
                      développement digne de l’importance de la
                                                                 (I) Mémoires sur le canal de l’Ourcq, t. Ier, p. 59, dis-
                      ville.                                    ','assion dans le cabinet de l’Empereur,
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