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302                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


                      tentes qui les autorisaient à construire à   furent celles de Chaillot; elles montèrent
                      leurs frais, dans les lieux désignés par le   en 24 heures, disent les prospectus de
                      prévôt des marchands, les pompes et ma­   MM. Périer, 48,600 muids d’eau (13,300 mè­
                      chines à feu destinées à élever l’eau de la   tres cubes) à 110 pieds au-dessus de |a
                      Seine ; à conduire cette eau dans les diffé­  Seine, dans quatre réservoirs placés sur les
                      rents quartiers de la ville, pour y être dis­  hauteurs de Chaillot.
                      tribuée aux particuliers et aux porteurs    On commit une grande faute en choisis­
                      d’eau, moyennantun prix réglé de gré à gré;   sant cet emplacement de Chaillot, situé au-
                      à établir aux lieux qui seraient désignés des   dessous de Paris, c’est-à-dire dans la localité
                      fontaines de distribution; à placer, sous le   la moins convenable pour recueillir de l’eau
                      pavé des rues, les conduites, regards, etc.   potable. Pourquoi cet emplacement fut-il
                      Le roi leur accordait un privilège exclusif   adopté? C’est ce qu’il est difficile de dire
                      de quinze années, à la condition que, dans   aujourd’hui. On nous, a affirmé qu’un des
                      un délai de trois ans, le volume distribué   principaux motifs fut la proximité de la
                      serait de 150 pouces.                     route de Versailles, qui devait permettre au
                        Depuis l’époque où de Parcieux avait pré­  roi de visiter les machines, et cette raison,
                      senté son projet jusqu’à celle où nous som­  à une époque d’autocratie monarchique,
                      mes arrivés, beaucoup de mémoires relatifs   pourrait bien être la bonne. Il est probable
                      à la fourniture des eaux de Paris avaient   que ce qui contribua encore à décider le
                      été adressés, soit au roi, soit aux bureaux de   choix de cet emplacement fut l’heureuse
                      la ville. Aucun n’avait obtenu de succès, si   disposition des coteaux de Chaillot, qui,
                      ce n’est deux demandes en autorisation de   étant très-rapprochés de la Seine en ce
                      vendre des eaux filtrées : les sieurs Mont-   point, permirent d’établir les réservoirs à
                      breuil et Ferrant reçurent, en 1763, l'auto­  peu de distance des machines. Mais il est
                      risation d’établir des appareils de filtrage à   plus difficile de justifier le choix de l’em­
                      la pointe de l’île Saint-Louis. Le sieur Cha-   placement des machines du Gros-Caillou.
                      rancourt fut autorisé, par un arrêt du conseil   Cette localité est évidemment dans des con­
                      du 18 mai 1782, à établir six fontaines épu­  ditions plus défavorables que les terrains
                      ratoires dans divers quartiers de la ville, où   placés en amont de la Rièvre, au pied du
                      l’eau serait vendue à prix d’argent. Ces éta­  promontoire de l’Hôpital, dont la déclivité
                      blissements prirent, toutefois, peu d’ex­  était aussi convenable que celle des coteaux
                      tension.                                  de Chaillot, pour l’établissement des réser­
                        Cependant la compagnie, à la tète de la­  voirs, et qui, de plus, étaient situés en
                      quelle se trouvaient les frères Périer, s’or­  amont des égouts de Paris. Quoi qu’il en
                      ganisait sérieusement. Un traité, en date du   soit, la prise d’eau de la Seine fut établie
                      27 août 1778, fut formé entre les principaux   au-dessous de la capitale, et cette faute
                      capitalistes de Paris. Le fonds social, porté   devait, plus tard, durement peser sur
                      d’abord à 1,440,000 livres, fut divisé en   le système de distribution des eaux de
                      1,200 actions. On accordait aux frères Pé­  Paris.
                      rier une indemnité de 25,000 livres et au   On établit à Chaillot deux pompes à feu,
                      moyen du dixième prélevé sur toutes les   qui devaient se suppléer au besoin; elles
                      actions créées un traitement annuel et via­  commencèrent à fonctionner en 1782. L’eau
                      ger de 20,000 livres; ils étaient chargés   élevée fut distribuée pour la première fois,
                      de la direction de tous les travaux.      au mois de juillet, à la fontaine de la porte
                        Les premières machines à vapeur établies   Saint-Honoré.
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