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INDUSTRIE DE L’EAU.                                301

         pour l’un ou l’autre de ces deux systèmes.  étang les eaux potables destinées à Paris
          Pans deux autres mémoires lus à l’Aca­  ferait aujourd’hui repousser ce projet; mais
         démie des sciences, en 1766 et 1767, de   telle ne fut point la considération qui lit
         Parcieux soutint son projet, en cherchant à   échouer une entreprise si longtemps étudiée
        démontrer que les eaux de l’Yvette n’étaient   et discutée avec tant de passion. La ville ne
         point inférieures en qualité à celles de la   put jamais réunir les fonds nécessaires à
        Seine.                                    l’exécution des travaux. Ce qui contribua
          Le chevalier d’Auxiron, dont nous avons   encore à faire échouer ce projet, ce fut l’in­
         parlé dans la Notice sur les Bateaux à va­  certitude où se trouvaient les esprits, bal­
        peur , publiée dans les Merveilles de la   lottés, comme ils le sont encore aujourd’hui,
        science (1), était l’auteur du projet d’éléva­  entre les dérivations et l’élévation des eaux
        tion de l’eau de la Seine par des machines.   de la Seine par des machines.
        D’Auxiron répondait, en 1769, àdeParcieux.   La difficulté fut enfin levée par les frères
        On écrivait et on parlait beaucoup ; le pu­  Périer. Ces puissants manufacturiers, qui
        blic se passionnait, mais la solution n’avan­  tenaient alors la première place dans l’in­
        çait guère. Dans un mémoire qui fut pu­   dustrie et dans l’art des constructions, offri­
        blié en 1771, dans la collection de F Acadé­  rent de former une compagnie d’action­
        mie des sciences, l’illustre Lavoisier discuta   naires, qui établirait, à ses frais, une ou
        les deux projets, et donna, en définitive,   plusieurs machines, à l’aide desquelles on
        l’avantage à celui de de Parcieux.        élèverait 150 pouces d’eau de Seine par jour.
          Ce savant illustre n’eut pas la satisfaction   Ils ne demandaient que le privilège exclusif
        d’être témoin du triomphe de ses idées.   de construire les machines pendant quinze
        Ce ne fut qu’après sa mort, arrivée le 2 sep­  ans, et de les employer comme ils le juge­
        tembre 1768, qu’un arrêt du conseil du    raient convenable.
        30 juillet 1768 adopta son projet de dé­    11 y avait dans le projet des frères Périer
        rivation de l’Yvette, et chargea les ingé­  une nouveauté séduisante, et qui contribua
        nieurs de Chezy et de Perronnet de dresser   beaucoup à attirer en sa faveur les sympa­
        le projet de dérivation.                  thies des hommes de progrès. Périer s’était
          Un mémoire dans lequel ces ingénieurs   rendu à Londres pour y étudier la machine
        exposaient le résultat de leur travail, fut lu,   à vapeur, d’invention alors toute récente.
        le 15 novembre 1775, à l’Académie des     Il avait rapporté des ateliers de Watt, une
        sciences. Le développement du canal de    pompe à feu, c’est-à-dire une machine à
        dérivation était de 17,352 toises. L’aque­  vapeur destinée à l’élévation des eaux, et la
        duc était à ciel ouvert; sa largeur de    juste admiration qu’excitait cette belle et
        4 pieds 1/2; sa profondeur de 5 pieds;    récente découverte de la mécanique, tour­
        sa pente de 15 pouces par 1,000 toises; l’eau   nait en faveur du système que Périer pro­
        arrivait à 15 pieds au-dessus du réservoir   posait pour l’élévation des eaux de la
        d’Arcueil; la dépense devait s’élever à   Seine.
        7,816,000 fr. ; le point de départ était un   Ce fut donc ce système, qui, après tant de
        vaste étang qui se trouve vers Chevreuse ;   luttes, triompha dans cette première période.
        le débit de l’aqueduc était évalué à 1,500   La proposition des frères Périer, soumise,
        pouces.                                   le 17 août 1776, au bureau de la ville, eut
          La seule condition de prendre dans un   l’approbation de ce bureau. Le 25 octobre
                                                  suivant, et le 7 février 1777, les frères Pé­
         (1) Tome I", p. 158.                     rier reçurent du Parlement les lettres pa­
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