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                    plus spéculatif qu’entreprenant, va se ma­  Macquer, en déclarant les eaux de l’Yvette
                    nifester dans la question des eaux publi­  saines et potables, n’avaient pu qu’appliquer
                    ques de la capitale. On publiait de nombreux   les méthodes imparfaites de la chimie de
                    mémoires ayant pour objet l’amélioration   leur temps. Une commission de la Société
                    de ce service, mais on se bornait à cons­  royale de médecine, compagnie savante qui
                    truire quelques fontaines publiques (1).  a précédé et tenait à peu près la place de
                      De nouveaux projets surgissaient sans   notre Académie nationale de médecine ac­
                    cesse; mais ils n’allaient jamais jusqu’à une   tuelle, avait joint son témoignage à celui de
                    étude bien sérieuse. Ces projets consistaient  ' l’Académie des sciences, pour proclamer
                    surtout à élever les eaux de la Seine, soit   les bonnes qualités des eaux de l’Yvette.
                    aux frais du gouvernement ou de la ville,   Dans un premier mémoire, présenté le
                    soit aux frais des particuliers, qui deman­  13 novembre 1762 à l’Académie des scien­
                    daient le privilège de vendre à leur profit   ces, de Parcieux exposa les bases de son
                    l’eau amenée dans les rues de la capitale.  projet. On devait dériver 1,200 pouces d’eau
                      Parmi tous les mémoires qui appartien­  au moyen d’un aqueduc de 17,000 à 18,000
                    nent à cette époque, le plus remarquable,   toises de longueur : le point d’arrivée était
                    sans contredit, est celui qui fut présenté par   choisi à 16 pieds environ au-dessus du ré­
                    de Parcieux, qui proposait de dériver à   servoir des eaux d’Arcucil.
                    Paris les eaux de l’Yvette, petitç rivière qui   Nous n’examinerons pas en détail ce pro­
                    se jette dans la Seine au-dessus de Longju­  jet, qui passionna le public dans la deuxième
                    meau, au midi de la capitale. L’état d’im­  moitié du dix-huitième siècle. Dans son mé­
                   perfection des pompes de Notre-Dame, l’in­  moire sur les sources du bassin de la Seine (1),
                    certitude et les intermittences du service   M. Belgrand, directeur du service des eaux
                   qui en résultaient, suffisaient pour justifier   de Paris, a fait voir qu’il ne donnerait
                   la nécessité de ce projet, qui ne serait pas   qu’une très-médiocre solution de la ques­
                   considéré aujourd’hui comme discutable.    tion des eaux. Mais on ne raisonnait pas
                   Les eaux de l’Yvette, plus dures que celles   ainsi en 1761. L’opinion publique se par­
                   de la Seine, sont aussi moins agréables à   tageait alors entre le projet de dérivation
                   boire. Mais alors les procédés chimiques   et celui des pompes à feu. Ce qui se passa
                   étaient peu perfectionnés, et on se rendait   à Paris vers 1860, s’y voyait aussi un siècle
                   imparfaitement compte des qualités à de­   auparavant; l’opinion publique était bal­
                   mander aux eaux potables. Les chimistes de   lottée entre le projet de dérivation d’eaux
                   l’Académie des sciences, consultés sur le   éloignées et celui de l’élévation des eaux de
                   projet de Parcieux, trouvèrent que les eaux   la Seine. En 1765, la compagnie qui s’était
                   de l’Yvette ne différaient pas sensiblement,   formée pour mettre à exécution un plan
                   par leur composition, de celles de la Seine.   rival de celui de de Parcieux, avait exposé son
                   Les savants de nos jours ne tomberaient pas   système au public, et fait appel aux sous­
                   dans une pareille erreur ; mais Hellot et  cripteurs. Elle se proposait d’établir, à la
                                                              gare de lTlôpital ou à la pointe de l’île
                     (1) Celles de Louis-le-Grand, en 1707 ; de Desmarest, au
                   haut de la rue Montmartre, en 1713; de la rue Garancière   Saint-Louis, des pompes à feu pour élever
                   et de l’abbaye Saint-Germain des Prés, en 1715 ; du Chau­  l’eau de la Seine. Tout Paris prenait parti
                   dron, en 1718; des Blancs-Manteaux, et cinq fontaines dans
                   le faubourg Saint-Antoine, en 1719. Le plus beau de ces
                   établissements est la fontaine de Grenelle, érigée en 1646,   (1) Recherches statistiques sur les sources du bassin de
                   dont les sculptures sont dues à Bouchardon. Une décision   la Seine qu'il est possible de conduire à Paris, entreprise
                   du bureau des eaux, du 19 février 1746, accorda à cet ar­  en 1854, par les ordres de Al. le préfet de la Seine. 1 vol.
                   tiste célèbre une pension viagère de 1,500 livres.  in-4°. Paris, 1854.
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