Page 262 - Les merveilles de l'industrie T3 Web
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                    les palais, les jardins, les viviers, dans les   Les bains publics absorbaient une quan­
                    camps des soldats, dans les bains, les ther­  tité considérable de l’eau amenée par les
                    mes , les naumachies, les théâtres, .dans les   aqueducs. On se fait une idée suffisante de
                    fontaines publiques et dans les égouts.   l’importance des bains publics de l’ancienne
                      La masse des eaux ainsi dérivées était   Rome, quand on parcourt les restes des
                    énorme. Comme nous l’avons dit plus haut,   Thermes d'Antonin Caracalla, qui sont les
                    Frontinus, le curateur des eaux sous les   plus belles ruines de Rome, en même temps
                    empereurs Nerva et Trajan (l’an 98 avant   que l’un des monuments les plus considé­
                    J.-C.) en a donné la mesure dans un de ses   rables du monde entier. Le périmètre exté­
                    commentaires. Cette quantité en mesure mo­  rieur de ces bains publics n’était pas moin­
                    derne était de 1,488,300 mètres cubes cou­  dre de 1,400 mètres. Dans le caldarium,
                    lant chaque vingt-quatre heures, et compo­  c’est-à-dire la piscine chaude, seize cents
                    sant de véritables fleuves artificiels réunis   personnes pouvaient se baigner à la fois.
                    sur les sept collines. Cette masse d’eau   Plusieurs milliers de citoyens s’y livraient,
                    équivaut à près de neuf fois le débit total du   en même temps, au plaisir du bain. On y
                    canal de l’Ourcq; elle est à peu près égale à   trouvait outre les piscines et les étuves, des
                    celle que la Marne verse dans la Seine, en été.  bibliothèques pour les lecteurs, des gym­
                      Toutes les eaux de Rome n’étaient pas   nases pour les athlètes et les lutteurs, des
                    également limpides, également salubres, ce   arènes pour les courses, des théâtres, des
                    qui détermina à les classer suivant les usages   magasins où affluaient les acheteurs, des
                    auxquels on les destinait. L’eau Marcia fut   marchés, des buffets pour les rafraîchisse­
                    placée au premier rang et réservée tout   ments, en un mot la réunion de tout ce qui
                    entière pour la boisson. L’dnzo vêtus, au   pouvait amuser et distraire un peuple qui
                    contraire, fut destiné à l’arrosement des   aimait à réunir les plaisirs de l’esprit à ceux
                    jardins et aux besoins les plus ordinaires de   de la sensualité.
                    l’économie domestique.                      La figure 112 donne une vue des restes
                      La plus grande partie de ces eaux était   des thermes d’Antonin Caracalla.
                    destinée aux usages publics. Elles coulaient   Sous Trajan, Pline décrivait avec admira­
                    nuit et jour parles fontaines; elles se ren­  tion ces magnifiques ouvrages : ces longues
                    daient ensuite, par des canaux souterrains,   suites d’arcades conduisant vers Rome une
                    dans les naumachies, où elles arrivaient en   incroyable quantité d’eau, les montagnes
                    assez grande abondance pour qu’on pût y si­  coupées, les roches percées, les vallées fran­
                    muler des combats de vaisseaux, genre de   chies ; et il ne trouvait rien de plus mer­
                    spectacle qui plaisait beaucoup aux Romains,   veilleux dans l’univers. Quatre siècles plus
                    et pour lequel on ne craignait pas de faire   tard, au temps de Théodoric, pour donner
                    de grandes dépenses. C’est pour alimenter   aux surveillants des eaux une haute idée
                    sa naumachie qu’Auguste avait fait cons­  de leurs fonctions, Cassiodore, gouverneur
                    truire l’aqueduc de 32,925 mètres de lon­  de Rome, écrivait :
                    gueur, qui portait l’eau Alsietina. L’empe­
                                                                « A comparer entre eux les édifices de Rome, on
                    reur Claude transforma le lac Fucin en    hésiterait à donner la préférence ; il faut distinguer
                    naumachie, en faisant placer tout autour   pourtant ceux dont l’utilité fait le prix, de ceux que
                    des rives de ce lac des sièges pour les specta­  leur seule beauté recommande. Le forum de Trajan
                                                              est un prodige, meme pour des yeux accoutumés à
                    teurs. Les provinces suivirent l’exemple de
                                                              le voir chaque jour. Le Capitole porte les chefs-
                    la capitale de l’empire. On a reconnu à Metz   d’œuvre du génie de l’homme. Mais ce n’est point là
                    et à Saintes des restes de naumachies.    qu’est la source de la santé, du bien-être et de la vie.
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