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INDUSTRIE DE L’EAU.                               235

         cades, sur lesquelles ils traversaient le fond du val­  aux cours d’eau, etc., il faut nécessairement
         lon. De là, ces tuyaux remontaient le côté opposé,   construire ce mur en arcades. De là, ces ma­
         également couchés sur un autre massif de maçon­
                                                   gnifiques ponts-aqueducs que les Romains
         nerie, terminé par les arcs rampants qui lui don­
         naient l’entrée dans un autre réservoir, qui est de   ont édifiés dans tous les pays qu’ils ont oc­
         niveau avec l’aqueduc de Chaponot.        cupés, ceux que l’on a construits après les
          « Le pont à siphon, sur lequel les tuyaux traver­
         saient le vallon, est construit et disposé dans les   Romains et à leur imitation, enfin ceux qu’on
         mêmes proportions que les ponts-aqueducs ; ses pi­  a élevés dans les temps modernes.
         les ayant 9 pieds de face, l’ouverture des baies 18,   Il faut dire, toutefois, que ces construc­
         et la hauteur de l’arcade 36.
           « Selon M. Delorme, les neuf siphons, qui sortaient   tions monumentales sont aujourd’hui bon­
         du réservoir par autant d’orifices, avaient chacun   nes à admirer, mais non à imiter. Les Ro­
         8 pouces de diamètre intérieur, et s’évasaient dans   mains qui ne connaissaient pas la fonte
         ces ouvertures sur 11 pouces de haut, pour faciliter
                                                   et n’avaient que des tuyaux de plomb d’un
         l’entrée de l’eau. Ces tuyaux, d’environ 1 pouce d’é­
         paisseur, descendaient jusqu’à moitié de la pente,   prix énorme et de trcs-mauvaise qualité,
         où ils se divisaient en deux branches, qui passaient   ne pouvaient guère faire passer les eaux
         sur le pont, et remontaient le côté opposé du vallon   d’un aqueduc d’un côté à l’autre d’une val­
         jusqu’à 70 pieds, où les deux branches se réunis­
         saient comme de l’autre côté en un tuyau de 8 pou­  lée qu’au moyen de ces constructions monu­
         ces, qui allait jusqu’au réservoir.       mentales qui ont reçu le nom de ponts-aque­
          « Quant à moi, je pense que les neuf tuyaux par­  ducs. Mais aujourd’hui, l’emploi si général
         tant du réservoir de chasse et allant au réservoir
                                                   et si peu coûteux de la fonte permet de
         de fuite, étaient les mêmes dans toute leur étendue,
         et qu’ils passaient sur les arcades. »    franchir aisément l’intervalle d’une vallée
                                                   au moyen d’un siphon renversé, qui n’a qu’un
           Ainsi, les architectes romains avaient déjà   inconvénient, c’est de produire une grande
         recours aux tubes-siphons. Au lieu de cons­  perte de charge d’eau.
         truire ces ponts-aqueducs à arcades, qui ex­  Les conduites de fonte, qui remplacent
         citent l’admiration du vulgaire par l’élé­  aujourd’hui les ponts-aqueducs des anciens,
         gance de leurs lignes et la majesté de leur   se moulent sur la forme du terrain. Quand
         style, ils avaient quelquefois recours à ces   il faut franchir un cours d’eau, on les pose
         modestes, mais économiques tubes-siphons,   sur un pont étroit et léger, et l’on triomphe
         afin d’économiser les ressources du trésor   ainsi des difficultés qui étaient tout à fait
         public.                                   insolubles par les anciens procédés. Si les
                                                   Romains avaient possédé les ressources qui
           Il n’est pourtant pas toujours possible   nous sont acquises dans l’art des construc­
         d’établir des tubes-siphons. La nécessité de   tions, ils n’auraient pas procédé autrement
         laisser passer un cours d’eau ou des voies de   que nous.
         communication transversales, oblige d’éle­  Après ces réserves techniques, il ne faut
         ver un mur étroit destiné à porter la conduite   pas marchander l’admiration ni les éloges
         des eaux. Un simple remblai de terrain ne   aux constructions monumentales que les
         saurait répondre à ce besoin, à cause des tas­  anciens nous ont laissées. Les architectes
         sements inévitables que les remblais subis­  Romains ont construit avec leurs ponts-aque­
         sent avec le temps, et qui changeraient la   ducs de magnifiques modèles. L’art con­
         pente, toujours si faiblè, qui détermine la   temporain ne saurait les faire oublier. L’a­
         marche de l’eau dans l’aqueduc. Il faut donc   queduc de Roquefavour qui a été construit
         construire un véritable mur en maçonnerie.   pour conduire les eaux de la Durance à
         Etcomme ce mur doit livrer passage, dansla   Marseille, n’est qu’une copie du pont Ro­
         vallée, aux routes, aux voies de circulation,   main du Gard, dont il a cependant le dou­
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