Page 192 - Les merveilles de l'industrie T3 Web
P. 192

190                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

                 traduisent dans l’économie animale, soit en   Les effets pernicieux produits sur l’homme
                 se déposant à la surface du corps, soit en en­  par les émanations marécageuses se mani­
                 trant, avec l’air, dans les poumons, ou avec   festent, tantôt par une altération pr(u
                 lesalimentsdansles voiesdigestives.Ceséma-   gressive et générale de l’économie, tantôt
                 nations sont d’ailleurs invisibles. On aperçoit   par des accidents plus ou moins graves
                 seulement, à la surface des marais, une sorte   mais toujours rapides.
                 de brume ou de nuage, quelquefois d’une      Dans le premier cas, c’est une modifica­
                 odeur désagréable, et qui se dégage d’une   tion profonde de l’économie animale, une
                 manière plus ou moins appréciable selon   manière d’être toute particulière. Les hom-
                 la nature des eaux et de l’élévation de la  ; mes, dans ces contrées, sont en général d’une
                 température.                               petite stature. Leur peau est d’un blanc mat
                   Les marais de la France sont, en général,  I et comme blafard ; les chairs sont molles, tu­
                 pourvus d’une petite quantité d’arbres :   méfiées et comme atteintes d’une sorte de
                 des saules, des peupliers, des aunes, des  i bouffissure; le ventre est volumineux et
                 bouleaux, des frênes, et plus rarement,    mou ; la puberté y est tardive et la vieil­
                 quelques chênes; mais on y trouve souvent   lesse précoce. Sausset et Price ont estimé
                 d’excellents pâturages. Les renoncules,   que dans de telles régions la vie moyenne
                 l’iris, la ciguë, croissent en abondance dans   ne va pas au delà de 26 ans ; Condorcet
                 les'marais, mais on y trouve en même temps   l’avait estimée à 18 seulement.
                 les gracieuses corolles du nénuphar et de la   Calculée d’après les relevés des décès d’un
                 sagittaire. Rien de plus variable, d’ailleurs,   siècle dans les communes de Saint-Trivier,
                 que cette végétation, suivant que les plantes   Villars et Saint-Nizier, en Bresse, la vie
                 vivent plongées dans les eaux ou flottent à   moyenne a été trouvée de 20 à 22 ans.
                 leur surface, ou qu’elles se tiennent sur le   Dans l’espace de 22 ans, dit Montfalcon,
                 bord du marais.                           la population de dix communes de la partie
                   On ne voit pourtant croître avec vigueur   marécageuse du'département de l’Ain, qui
                 que les plantes aquatiques. Les arbres y sont   était, en 1786, de 3,606 habitants, avait
                 généralement chétifs, rabougris, et il est dif­  diminué de 1 /8. Dans la Sologne, le nombre
                 ficile d’amener leurs fruits à une complète  | des décès l’emporte de beaucoup sur celui
                 maturité ; ceux-ci restent gorgés de sucs   des naissances. On compte, année moyenne,
                 aqueux, sans saveur et sans arôme.        dans la commune de Châtillon, 184 nais-
                   Les céréales sont de qualité très-inférieure ;   nances et 204 décès £ et on estime que
                                                                  1ÜJ            lu,            1
                 les plantes potagères ne réussissent qu’im-
                                                           le déficit est encore plus considérable dans
                 parfaiteinent, les légumineuses sont froides
                                                           d’autres parties de la Bresse (1).
                 et abondent aussi en principes aqueux.
                                                              Après avoir établipardes chiffres emprun­
                   Mais c’est surtout le règne animal qui
                                                           tés aux documents officiels, la mortalité con­
                 paraît souffrir de l’action des effluves. Les
                                                           sidérable des populations qui habitent les
                 grandes espèces animales y dépérissent ra­
                                                           régions marécageuses situées dans les dépar­
                 pidement, même dans la Bresse, où les pâ­
                                                           tements du Cher, de la Charente-Inférieure,
                 turages sont abondants; les races de chevaux
                                                          [ du Gard, des Bouches-du-Rhône et <Je l’Hé-
                 et de bœufs s’y dégradent en peu de temps.
                                                          I rault, Y Annuaire des eaux de la France tire
                 Dans tous les pays où les bœufs et les vaches
                                                           cette conclusion, q ue la statistique établit «u r>
                 sont obligés de chercher leurs aliments par­
                                                          . avantage incontestable en faveur des loca-
                 mi les étangs boueux, ils languissent et ne
                                                          i
                 tardent pas à périr.                     I (1) Annuaire des eaux de France, page 18-23.
   187   188   189   190   191   192   193   194   195   196   197