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                  décomposition. On doit éviter, autant que   qui deviendraient des causes de fièvre ou
                  possible, de les employer pour la boisson   de dyssenterie.
                  ou les usages économiques. Ce sont les
                  miasmes dégagés par ces eaux qui rendent     D’après les analyses de M. Eugène Mar.
                  malsains les pays marécageux, et qui don­  chand, les eaux stagnantes sont caractérisées
                  nent lieu à des fièvres et à d’autres maladies.   surtout par la présence de notables quantités
                  On détruit ces foyers d’infection au moyen   A'albumine et A'humus. Ces deux principes
                  de saignées, c’est-à-dire de canaux qui don­  proviennent de la décomposition continuelle
                  nent de l’écoulement aux eaux stagnantes   des myriades d’êtres microscopiques, de na­
                  ou saumâtres, et rendent à l’agriculture un   ture végétale et animale, qui naissent et se
                  terrain qui est très-fertile, parce qu’il est   développent, avec une rapidité incroyable,
                  chargé de débris organiques.               dans les eaux dormantes, et dont les débris
                    A défaut de meilleures eaux, et en cas de   se putréfiant dans ces eaux, les rendent nuisi­
                  nécessité absolue, on pourrait utiliser pour la   bles. La formation de l’hydrogène protocar­
                  boisson leseauxdes étangs et des mares, en les   boné, ou gaz des marais, accompagne cette
                  filtrant à travers le charbon, qui absorbe les   décomposition, et la quantité de ce gaz est
                  gaz délétères. Il faudrait, en outre, les aérer,   d’autant plus considérable que les eaux ren­
                  en les faisant tomber, d’une certaine hau­  ferment une plus forte proportion de ma­
                  teur dans l’air, ou en les agitant longtemps   tière organique.
                  au contact de l’air.                         Nous venons de dire que M. Eugène Mar­
                    Lorsque l’on est contraint de faire usage   chand a trouvé de l’albumine et de i’Aumùs
                  pour la boisson, d'eaux très-impures, on   dissous dans les eaux dormantes. Le travail
                  doit corriger leurs mauvaises qualités en   de M. Marchand a trop d’importance pour
                  les buvant avec du vin, de l’alcool, ou les   que nous n’en donnions pas une idée plus
                  additionner de sucre ou d’un peu de vi­    précise. Nous rapporterons, dans ce but,
                  naigre.                                    quelques passages du mémoire intitulé
                     En Chine, on consomme les eaux maré­    Des eaux potables en général (1) dans lesquels
                  cageuses en les faisant bouillir avant de les   l’auteur expose les expériences qu’il a faites
                  employer pour la boisson. A l’époque du cho­  pour étudier les produits qui se forment
                  léra, à Londres, quelques médecins recom­  par la décomposition spontanée des ma­
                  mandaient de ne boire que de l’eau bouillie.   tières organiques dans les eaux stagnantes
                  L’ébullition détruit les germes végétaux et   des étangs et des marais.
                  animaux qui se trouvent dans l’eau.          Quand les eaux sont conservées pendant
                     Les Arabes du Sahara, qui sont souvent   longtemps sans aucun renouvellement et en
                  obligés de faire usage d’eaux marécageuses,   présence de la lumière et de l’air, la matière
                  y font macérer des zio/a: de gouro, avant   organique qui se trouve contenue dans ces
                  de les boire. Ce fruit, très-amer, rend    eaux, quelle que soit d’ailleurs son origine,
                   plus digestibles et plus salubres les eaux   se transforme en globules de couleur verte,
                   saumâtres. Nos soldats d’Afrique, dans les   auxquels on a donné le nom de matiètt
                   mêmes circonstances, corrigent les mau­   verte de Priestley, en souvenir du chimiste
                   vaises qualités des eaux stagnantes par l’ad­  anglais qui l’observa le premier.
                   dition de quelques grammes de café par li­  D’après Wagner, la matière verte de Pries­
                   tre, ou par l’addition de 3 à 4 gouttes d’a­  tley est formée par les cadavres d’innom-
                   cide sulfurique, quantité suffisante pour
                                                              (1) In-80 Paris, 1855, chez J. B. Baillière, pages 59 et
                   détruire les germes végétaux ou animaux,   suivantes.
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