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INDUSTRIE DE L’EAU 187
I rables petits êtres, infusoires d’une consti « Les eaux baignant et portant à leur surface des
végétaux en grand nombre, dit M. Marchand, con
tution très-élémentaire, qui appartiennent
tiennent de même de nombreux animalcules, mais
degré le plus inférieur du règne animal : grâce à l’action des plantes qu'elles baignent, les
ils portent le nom d’Euglena viridis. phénomènes de putréfaction qui s’y développent
Une autre variété, VEuglena sanguinea, cessent d’être appréciables à l’odorat. Néanmoins
l’humus dissous en excès colore encore le liquide
observée par Ehrenberg, et que l’on peut en jaune pâle, et lui communique souvent une ré
^produire à volonté en exposant à l’action action légèrement acide; on peut toujours l’y re
de la lumière les eaux pluviales, est suscep trouver, en même temps que des matières albumi
neuses dont la quantité varie. L’air atmosphérique
tible de colorer l’eau en rouge.
qu’elles contiennent est aussi abondant que dans les
Suivons maintenant M. Eugène Marchand eaux de la dernière classe, et oxygéné au même
dans les expériences qu’il a faites pour degré. Leur saveur est fade et souvent désagréable.
« I.eseauxstagnantes, exposées à l’action des rayons
étudier la formation de produits organisés
lumineux, contractent donc des propriétés nouvelles
au sein des eaux dormantes exposées à l’ac en subissant l’influence des êtres organisés qui s’y
tion de l’air et de la lumière. développent et leur cèdent certains produits résul
tant des sécrétions fournies pendant leurs diverses
« Dans ces conditions, dit M. Eug. Marchand, les périodes d’évolutions vitales, ou bien deleurdécom-
eaux ne tardent pas à se recouvrir d’une matière position spontanée, soit del’humus et des matériaux
quelquefois verte, quelquefois rouge, dont la quan albumineux. Ces derniers sont toujours reconnais
tité va sans cesse en augmentant; elle se répand sables par l’action de la chaleur qui les coagule.
plus tard dans toute la masse du liquide, et se dépose M. Fauré, de Bordeaux, en a de son côté constaté
même au fond de la cuve, en même temps que la présence dans les eaux stagnantes du terrait»
l’eau, par sa vaporisation spontanée, diminue de aliutique du département de la Gironde.
volume. Lorsque l’action de la lumière sur les » On conçoit que, sous l’influence réduclive des
couches inférieures du liquide est interceptée par phénomènes de putréfaction signalés plus haut, les
la matière colorée existant à sa surface, il se dé
nitrates se trouvent encore transformés en sels am
veloppe de nombreux animalcules microscopiques moniacaux dont la proportion, si elle n’est absorbée
dont les générations se succèdent rapidement et parles végétaux, doit se trouver accrue. Cette am
augmentent la quantité desmatières organiques qui se
moniaque ainsi produite opère la dissolution de
déposent en subissant la fermentation putride. L’eau l’humus. Les sels dissous diminuent de proportion
contracte alors des propriétés nuisibles, car si on la en passant dans la constitution des êtres organisés...
liltre,on l’obtient colorée en jaune ; elle possède une « Toutes les eaux stagnantes, en se vaporisant,
saveur fade et désagréable; elle réduit les sels d’or,
laissent à découvert des terres imprégnées de ma
et empêche la réaction de l’iode sur l’amidon. L’a tières putrescibles qui deviennent la source d’une
nalyse y décèle la présence de proportions notables
production active d’hydrogène protocarboné — le
d’albumine végétale et animale, ainsi que de l’hu gaz des marais — dont elles se saturent en contrac
mus, en quantité quelquefois considérable. Cependant tant des propriétés plus nuisibles encore; car, on ne
l’air qu’elle retient en dissolution est ordinairement l’ignore pas, ce gaz est le principe ou le véhicule le
très-oxygéné, car dans plusieurs expériences nous plus aelif des miasmes paludéens. Nous avons cru
l’avons trouvé formé, en centièmes, de :
remarquer que sa production est d’autant plus as
Oxygène................................................. 33,5 surée que les eaux contiennent une plus grande
Azote...................................................... 66,5 quantité d’albumine végétale. »
et sa proportion s’élevait jusqu’à 25 centimètres
cubes par litre. Ces matières putrescibles laissées a la sur
«Ceite richesse de l’air dissous en gaz comburant
n a rien qui doive surprendre, car l’une des pro face du sol par la vaporisation des eaux
priétés les plus importantes de la matière verte de stagnantes, sont, à n’en pas douter, la cause
Priestley est précisément d’excréter une quantité des miasmes dits paludéens, qui engendrent
considérable d’oxygène pur. »
les fièvres intermittentes dans les lieux ma
M. Marchand a étudié ensuite les modifi récageux. Les marais pontius, aux environs
cations que les eaux stagnantes éprouvent de Rome, les marais de la Toscane, certains
(Iuand elles renferment dans leur sein et à marais du centre de la France et les étangs
^eur surface, des plantes vivantes. salés de la région du littoral méditerranéen,