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122                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE

                 d’eau du monde. Au lieu de recevoir et de   ciel, mais elles en manquent souvent, non.
                 distribuer l’eau dans des cruches, ils en   que l’eau provenant des pluies soit insuffi­
                 remplissent tout simplement leur barque,   sante, mais parce qu’on la recueille ou
                 qui renferme deux compartiments à cet     qu’on la conserve mal. M. Grimaud, de
                 effet. Deux hommes mènent, à la rame et à   Caux, donne le relevé de la quantité de
                 l'aviron, la barque pleine d’eau douce ; et   pluie qui tombe moyennement dans les prin­
                 comme la barque est presque entièrement   cipales villes de la France, et, d’après la
                 remplie, les bateliers circulent sur ses   quantité d’eau reconnue nécessaire pour les
                 bords, pieds nus, pour pousser la rame et   besoins d’un individu, il arrive à conclure
                 l’aviron. Il arrive assez souvent, la barque   que, pour une population de mille habi­
                 étant toujours à peu près remplie, que, par   tants, il suffirait de rassembler annuelle-*
                 un faux mouvement ou par un peu d’agi­    ment23 mètres cubes d’eau, qui exigeraient,
                 tation, l’eau de la lagune vient se mêler à   pour être recueillis, une superficie de 3,000
                 l’eau douce. Les pratiques boivent alors de   mètres carrés de toits. Or, cette superficie
                 l’eau quelque peu salée. S’il fait grand vent,   existe, nons-eulement dans toutes les com­
                 l’eau de la lagune est projetée en plus grande   munes de France, mais même dans de
                 quantité dans la barque; alors les bateliers   grandes habitations rurales. En rassemblant
                 se décident à revenir à la Seriola, pour rem­  dans une citerne analogue à la citerne vé­
                 placer leur chargement d’eau.             nitienne, l’eau qui s’écoule d’une superficie
                   Il entre dans Venise environ quarante-   de 3,000 mètres de toits, on se procurerait
                 deux barques par jour chargées de l’eau   donc l’eau nécessaire aux besoins annuels
                 de la Seriola, et contenant environ vingt   d’une population de mille habitants.
                 mètres cubes d’eau par barque. Les bate­
                 liers la vendeut au prix de 15 centimes le
                                                             «Dans toute habitation rurale où l’on peut dispo­
                 mastello (environ 50 litres).             ser d’une superficie de toit de 1,000 mètres carrés, il
                   Il est évident que les citernes de Venise,   est aisé, dit M. Grimaud de Caux, de recueillir et
                                                           d’emmagasiner pour Tusagc une provision de qua­
                 qui sont de véritables appareils pour la
                                                           rante jours à raison de 1,500 litres par jour. C’est
                 filtration des eaux pluviales, pourraient être   la provision de vingt-cinq personnes, à a titres ; t’e
                 facilement imitées en d’autres pays, et rem­  cinquante bêtes de somme, bœufs, vaches, chevaux,
                                                           etc., à 20 litres par tête; le reste pour les plantes
                 placeraient, avec de grands avantages, les
                                                           du potager.
                 citernes dont on fait usage dans nos cam­   « Dans toute commune, dans toute agglomération
                 pagnes et qui sont construites avec tant de   d’habitants où l’on peut disposer d’une superficie de
                 négligence.                               toit de 12,000 mètres carrés, en un seul ou en plu­
                                                           sieurs points pouvant être facilement reliés entre
                   Dans son ouvrage sur les Eaux publiques,
                                                           eux de manière à réunir leurs eaux en un point
                 qui nous a fourni les renseignements qui   commun, il est aisé de recueillir et d’emmagasiner,
                 précèdent, M. Grimaud, de Caux, s’est     pour l’usage, une provision de quarante jours à raison
                                                           de 10,000 litres de consommation journalière. IO,OOti
                 efforcé d’établir les avantages que présen­
                                                           litres, à 5 litres par tête, c’est la provision de
                 teraient la conservation et l’aménagement   2,000 habitants.
                 des eaux de pluie pour les besoins de l’éco­  « Nous avons parlé de communes, de fermes, d’ha­
                 nomie domestique, dans les habitations ru­  bitations rurales : il n’est pas jusqu’au simple culti­
                                                           vateur qui ne puisse se ménager les bienfaits de la
                 rales, ainsi que dans les communes dépour­  I citerne vénitienne. En considérant que la main-
                 vues de sources et de rivières.           d’œuvre l’emporte de beaucoup sur les matières
                   Bien des communes et des habitations    premières, matières que d’ailleurs l’habitant de la
                                                           campagne a presque toujours à sa proximité, ou
                 rurales qui sont dépourvues d’eaux de sour­
                                                           peut ajouter que la chose est peu dispendieuse.
                 ces et de rivières, ont recours à l’eau du   « Soit donc l’habitation d’un petit cultivateur
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