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118 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
devenir dures, et, dès lors, de mauvaise qua I pluie tombe avec une abondance suffisante
lité. Dans la construction des citernes et pour remplir les citernes cinq fois par an,
des puits, on doit donc préférer les pierres ce qui donnerait près de 24 litres d’eau à
siliceuses aux pierres calcaires, et éviter consommer par habitant. Mais le sable dé-
surtout l’emploi de mortier, ou de ciments, purateur, occupant dans la citerne à peu
dont la chaux est susceptible de se dissou près le tiers de sa capacité, les 24 litres se
dre dans l’eau. réduisent à 16.
Il serait bon d’établir autour des citernes, M. Grimaud, de Gaux, a publié en 1860
des citerneaux, ou excavations remplies de dans les Comptes rendus ■ de l'Académie des
sable fin, qui feraient l’office de filtres et ne sciences (1) la description des citernes du
laisseraient entrer dans la cavité principale palais ducal de Venise, en reproduisant la
que de l’eau ayant traversé cette couche po description qui lui avait été adressée par
reuse. Par ce moyen, on dépouillerait les l’ingénieur de la municipalité de Venise,
eaux des matières étrangères empruntées M. Salvadori. Voici, d’après M. Salvadori,
au sol qu’elles ont lavé. cité par M. Grimaud, de Gaux, la manière
dont on construit les citernes.
Cette épuration préalable de l’eau par la Les matériaux essentiels d’une citerne
filtration à travers une couche de sable est sont l’argile et le sable. Pour les construire,
réalisée d’une manière très-remarquable on creuse le sol jusqu’à environ 3 mètres de
dans les citernes de Venise, qui sont un profondeur : les infiltrations de la lagune
véritable modèle pour la construction de ce empêchent d’aller plus avant. On donne à
genre de réservoir. La ville de Venise est l’excavation la forme d’une pyramide tron
alimentée d’eaux potables en très-grande quée dont la base regarde le ciel. On main
partie par les eaux pluviales recueillies dans tient le terrain environnant à l’aide d’un
des citernes. Chaque maison a sa citerne, bâti en bon bois de chêne ou de larix, s’ap
remplie par les eaux pluviales qui tombent pliquant sur le sommet tronqué, aussi bien
sur le toit et par le pavé de la cour. Les ci que sur les quatre côtés de la pyramide. Sur
ternes du palais ducal ont été particulière le bâti en bois on dispose une couche d’argile
ment établies avec un soin extrême, et l’on pure, bien compacte et bien liée, dont on
peut les citer comme un parfait modèle de ce unit la surface avec un grand soin. L’épais
que l’on peut réaliser pour retirer le meilleur seur de cette couche est en rapport avec les
parti des eaux pluviales. dimensions de la citerne; dans les plus
Bâtie au milieu d’une lagune, c’est-à-dire grandes, elle n’a pas plus de 30 centimètres.
dans une masse d’eau immobile communi Cette épaisseur est suffisante pour résister à
quant avec la mer par un chenal, la ville la pression de l’eau qui sera en contact avec
de Venise occupe une surface de 5,200,000 elle, et aussi pour opposer un obstacle in
mètres carrés, abstraction faite des grands vincible aux racines des végétaux qui peu
et des petits canaux. Année commune, il y vent croître dans le sol ambiant. On regarde
tombe 82 centimètres de pluie. La plus comme très-important de n’y point laisser
grande partie de cette pluie est recueillie de cavités où l’air puisse se loger.
par 2,077 citernes, dont 177 sont publiques Au fond de l’excavation, dans l’intérieur
et 1,900 appartiennent aux maisons parti du sommet tronqué de la pyramide, on
culières. Elles ont ensemble une capacité place une pierre circulaire creusée au mi-
de 202,535 mètres cubes. Le pluviomètre
du séminaire patriarcal démontre que la (1) Tome LI, page 123