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                  devenir dures, et, dès lors, de mauvaise qua­ I pluie tombe avec une abondance suffisante
                  lité. Dans la construction des citernes et   pour remplir les citernes cinq fois par an,
                  des puits, on doit donc préférer les pierres   ce qui donnerait près de 24 litres d’eau à
                  siliceuses aux pierres calcaires, et éviter   consommer par habitant. Mais le sable dé-
                  surtout l’emploi de mortier, ou de ciments,   purateur, occupant dans la citerne à peu
                  dont la chaux est susceptible de se dissou­  près le tiers de sa capacité, les 24 litres se
                  dre dans l’eau.                           réduisent à 16.
                    Il serait bon d’établir autour des citernes,   M. Grimaud, de Gaux, a publié en 1860
                  des citerneaux, ou excavations remplies de   dans les Comptes rendus ■ de l'Académie des
                  sable fin, qui feraient l’office de filtres et ne   sciences (1) la description des citernes du
                  laisseraient entrer dans la cavité principale   palais ducal de Venise, en reproduisant la
                  que de l’eau ayant traversé cette couche po­  description qui lui avait été adressée par
                  reuse. Par ce moyen, on dépouillerait les   l’ingénieur de la municipalité de Venise,
                  eaux des matières étrangères empruntées   M. Salvadori. Voici, d’après M. Salvadori,
                  au sol qu’elles ont lavé.                 cité par M. Grimaud, de Gaux, la manière
                                                            dont on construit les citernes.
                    Cette épuration préalable de l’eau par la   Les matériaux essentiels d’une citerne
                  filtration à travers une couche de sable est   sont l’argile et le sable. Pour les construire,
                  réalisée d’une manière très-remarquable   on creuse le sol jusqu’à environ 3 mètres de
                  dans les citernes de Venise, qui sont un   profondeur : les infiltrations de la lagune
                  véritable modèle pour la construction de ce   empêchent d’aller plus avant. On donne à
                  genre de réservoir. La ville de Venise est   l’excavation la forme d’une pyramide tron­
                  alimentée d’eaux potables en très-grande   quée dont la base regarde le ciel. On main­
                  partie par les eaux pluviales recueillies dans   tient le terrain environnant à l’aide d’un
                  des citernes. Chaque maison a sa citerne,   bâti en bon bois de chêne ou de larix, s’ap­
                  remplie par les eaux pluviales qui tombent   pliquant sur le sommet tronqué, aussi bien
                  sur le toit et par le pavé de la cour. Les ci­  que sur les quatre côtés de la pyramide. Sur
                  ternes du palais ducal ont été particulière­  le bâti en bois on dispose une couche d’argile
                  ment établies avec un soin extrême, et l’on   pure, bien compacte et bien liée, dont on
                  peut les citer comme un parfait modèle de ce   unit la surface avec un grand soin. L’épais­
                  que l’on peut réaliser pour retirer le meilleur   seur de cette couche est en rapport avec les
                  parti des eaux pluviales.                 dimensions de la citerne; dans les plus
                    Bâtie au milieu d’une lagune, c’est-à-dire   grandes, elle n’a pas plus de 30 centimètres.
                  dans une masse d’eau immobile communi­    Cette épaisseur est suffisante pour résister à
                  quant avec la mer par un chenal, la ville   la pression de l’eau qui sera en contact avec
                  de Venise occupe une surface de 5,200,000   elle, et aussi pour opposer un obstacle in­
                  mètres carrés, abstraction faite des grands   vincible aux racines des végétaux qui peu­
                  et des petits canaux. Année commune, il y   vent croître dans le sol ambiant. On regarde
                  tombe 82 centimètres de pluie. La plus    comme très-important de n’y point laisser
                  grande partie de cette pluie est recueillie   de cavités où l’air puisse se loger.
                  par 2,077 citernes, dont 177 sont publiques   Au fond de l’excavation, dans l’intérieur
                  et 1,900 appartiennent aux maisons parti­  du sommet tronqué de la pyramide, on
                  culières. Elles ont ensemble une capacité   place une pierre circulaire creusée au mi-
                  de 202,535 mètres cubes. Le pluviomètre
                  du séminaire patriarcal démontre que la     (1) Tome LI, page 123
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