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308 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE
comme objet de curiosité, ou comme article premières qui composaient la pâte, mais-
de commerce, avait excité une émulation elles avaient déjà subi, au pays de prove
extraordinaire parmi les fabricants de po nance, une préparation mécanique, qui les
teries. La vaisselle d’argent était alors ex avait réduites en une poudre dont les élé
trêmement répandue ; mais elle n’était l’a ments étaient fort difficiles à séparer. La
panage que de la noblesse, de la finance pâte de la porcelaine chinoise résulte d’ail
et de la riche bourgeoisie, et l’on connaît leurs du mélange de matières différentes.
les admirables œuvres d’art que l’orfèvrerie Ainsi le problème à résoudre avait trois in
a créées au temps de Louis XIV et de connues. 11 fallait : 1° savoir reconnaître
Louis XV. Chez le bourgeois et le peuple ces différentes matières ; 2° les trouver en
la faïence remplaçait la vaisselle métalli Europe, pour pouvoir se livrer à une fabri
que. Mais la faïence était une matière ten cation régulière, industrielle ; 3° découvrir
dre et sans force de résistance. Son vernis dans quelles proportions les matières de
stannifère s’écaillait et donnait lieu à des vaient être mélangées.
gerçures d’un effet désagréable et souvent Toutes les recherches faites par les po
répugnant. Il est donc facile de comprendre tiers et les chimistes de l’Europe n’eurent
avec quel empressement on devait accueillir aucun résultat, en dépit des révélations du
dans toutes les classes de la société la por missionnaire jésuite.
celaine qui devait remplacer la coûteuse Ce fut le hasard qui amena la découverte,
vaisselle plate, comme on l’appelait, et la en Allemagne, de la terre à porcelaine,
fragile faïence. Aussi dès que la porcelaine c’est-à-dire du kaolin. Seulement ce hasard
fut importée en quantités notables en Eu se présenta aux yeux d’un homme de mé
rope, tous les fabricants de poteries s’occu rite, qui sut apprécier et saisir la portée du
pèrent-ils de chercher à produire une poterie fait qui se présentait fortuitement à ses mé
identique à l’admirable produit que l’on re ditations.
cevait de la Chine et du Japon. Les princes Cet homme était Jean-Frédéric Bôtticher.
et les chefs d’Etats encourageaient de toutes Comme beaucoup de personnages de son
leurs forces ces tentatives, et créaient à leurs temps, Bôtticher s’était donné à l’étude du
frais, des laboratoires pour des essais de fa problème, alors à la mode, de la transmu
brication de ce produit. tation des métaux et à la recherche de la
Nous avons dit que les premières notions pierre philosophale ; mais il consacra la fin
pratiques sur les procédés de fabrication de de sa vie à des études scientifiques et in
la porcelaine en Chine furent révélées en dustrielles qui furent couronnées du plus
France par les lettres du P. d’Entrecolles, brillant succès.
publiées en 1712. Cette révélation redoubla Dans un de nos ouvrages, VAlchimie et les
l’ardeur de ceux qui s’appliquaient à ce alchimistes, nous avons raconté la jeunesse
genre de recherches. Avant l’arrivée des de Bôtticher, alors que tout imbu des idées
lettres du P. d’Entrecolles, on s’était livré alchimiques, il passait son temps à cher
dans un grand nombre de manufactures et cher la pierre philosophale et à faire croire
de laboratoires, à des tentatives coûteuses, qu’il avait découvert cet arcane précieux.
à des essais persévérants pour arriver à re Nous emprunterons à ce travail biographi
produire la porcelaine de la Chine, dont les que l’histoire de la jeunesse de Bôtticher.
souverains, les princes et les riches bour Nous ajouterons à ce récit la seconde période
geois se disputaient le moindre échantillon. de sa vie, celle pendant laquelle il eut la
On avait fait venir de la Chine les matières gloire de découvrir la composition et le pro