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312 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
Chine, Bôtticher fut naturellement conduit découvrir à Aûe, près de Schneeberg.
à prendre part à ses travaux. Son talent de C’est au milieu de l’étroite surveillance
chimiste et ses connaissances en minéralogie, dont il continuait d’être entouré, que notre
lui donnèrent le moyen d’obtenir, dans ce chimiste fut forcé d’exécuter les essais, si
genre de recherches, quelques bons résultats. pénibles et si longs, qui l’amenèrent à fabri
Le comte de Tschirnhaus décida alors le quer la porcelaine de Chine. Mais sa gaieté
prisonnier à s’adonner entièrement à ce pro naturelle ne s’alarmait point de ces obsta
blème industriel, plus sérieux et plus im cles. Il fallait passer des nuits entières au
portant que celui dont l’Électeur attendait tour des fours, et, pendant des essais de
la solution. cuisson qui duraient trois ou quatre jours
En 1704, Bôtticher découvrit la manière non interrompus, Bôtticher ne quittait pas
d’obtenir la porcelaine rouge, ou plutôt un la place et savait tenir les ouvriers éveillés
grès-cérame, qui n’a rien de la porcelaine. par ses saillies et sa conversation piquante.
Bôtticher n’avait, d’ailleurs, composé cette C’est, avons-nous dit, le hasard, mais le
nouvelle poterie que pour en faire des creu hasard fécondé par l’observation d’un
sets très-réfractaires en vue de ses opérations homme de mérite, qui avait fait découvrir le
alchimiques. kaolin d’Aüe comme la terre argileuse pro
Ce premier succès, ce premier pas dans pre à fournir la porcelaine de Chine. Voici
l’imitation des porcelaines de la Chine, sa comment l’événement est raconté par un
tisfit beaucoup l’Electeur de Saxe. Pour lui contemporain, le docteur Klem, conserva
faciliter la continuation de ses recherches teur du Musée Japonais de Dresde, où sont
céramiques, ce prince fit transporter Bôtti réunis les échantillons de la porcelaine de
cher, le 22 septembre 1707, de la forteresse Saxe, et les premières pièces de porcelaine
de Kœnigstein, à Dresde, ou plutôt dans les que Bôtticher avait fabriquées. On va voir
environs de cette ville, dans un château que le hasard qui fit découvrir à Bôtticher
pourvu d’un laboratoire céramique que l’É- l’usage du kaolin de Saxe pour fabriquer la
lecteur avait fait disposer sur le Jungfer- porcelaine, est aussi singulier que celui qui
bastei. Ce château, qui devait plus tard de fît reconnaître au potier Atbury, en Angle
venir célèbre, s’appelait Albertsburg (châ terre, le silex calcaire comme moyen de cor
teau d’Albert). riger la couleur rougeâtre de la faïence.
C’est là que Bôtticher reprit, avec le comte En 1711 Jean Schnorr, un des plus riches
de Tschirnhaus, ses essais pour fabriquer la maîtres de forges de l’Erzgebirge, passait à
porcelaine de Chine. On ne s’était, néan cheval près d’Aüe, lorsqu’il remarqua que
moins, relâché en rien de la surveillance les pieds de son cheval s’enfonçaient dans
dont le chimiste était l’objet. 11 était gardé à une terre blanche et molle, d’où ils avaient
vue. Il obtenait quelquefois la permission peine à se retirer. La poudre d’amidon était
de se rendre à Dresde ; mais alors le comte alors d’un usage général pour .poudrer les
Tschirnhaus, qui répondait de sa personne, perruques ; de sorte qu’on en faisait en Alle
l’accompagnait dans sa voiture. magne un commerce considérable. En bon
Le comte de Tschirnhaus mourut en négociant, Schnorr vit dans l’argile blanche
1708 ; mais cet événement n’interrompit d’Aüe, terre sans valeur, un moyen de rem
point les travaux de Bôtticher. Ce fut l’an placer la poudre d’amidon qui coûtait cher.
née suivante, en 1709, qu’il réussit à fabri Il en emporta donc une certaine quantité à
quer la véritable porcelaine de Chine, en Karlsfed, et la fit vendre comme poudre à
se servant du kaolin que l’on venait de perruque, à Dresde, à Leipzig et à Zittau.