Page 319 - Les merveilles de l'industrie T1
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31i MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
qu’ils étaient à la porcelaine de Chine, porcelaine de Saxe. Ils essayaient par tous
n’en avaient pas moins trouvé une assez les moyens de séduction,per fas etnefas, d’at
grande vogue en Saxe et dans toute l’Alle tirer chez eux les ouvriers qui paraissaient
magne. connaître les procédés de sa fabrication.
C’est ainsi que, malgré toute la surveillance,
un des ouvriers de la fabrique de Meissen, un
« l.e kaolin continua, dit Klein, d’être connu dans
le commerce sous le nom de terre blanche de Schnorr chef d’atelier, nommé Stobzel, transporta à
(Schnorrische wei.se Erde). Son exportation était dé Vienne les procédés de la fabrique saxonne,
fendue sous les peines les plus sévères, et on le fai
et y fonda, en 1720, une fabrique de porce
sait transporter à la fabrique de Meissen dans des
tonnes scellées et par des gens assermentés. » laine dure.
Voici un exemple des séductions qu’exer
çaient les princes allemands désireux de
Les précautions prises pour assurer le connaître les secrets de la fabrication de
secret de tout ce qui intéressait la fabrica la porcelaine au château d’Albert. Le potier
tion de la porcelaine, étaient portées dans Bengraf était connu comme un transfuge de-
le château d’Albert, où travaillaient Bôtti- la manufacture saxonne. Le duc de Bruns
cher et ses ouvriers, au delà de ce qu’on wick voulut donc à tout prix se l’attacher.
pourrait imaginer. Le point fondamental Ses offres étant restées vaines, le duc fit ar
des instructions données à tous les travail rêter Bengraf, grâce à la condescendance de
leurs, depuis le chef du laboratoire jusqu’au l’Électeur de Mayence. Le malheureux po
plus simple ouvrier, était « secret jusqu'au tier, une fois arrêté, fut mis en prison et
tombeau ! » Cette instruction était répétée privé de nourriture jusqu’à ce qu’il eût pro
chaque mois à tous les contre-maîtres, et mis de divulguer les procédés qui étaient à
affichée, pour les ouvriers, à la porte des sa connaissance.
ateliers. Celui qui trahirait le secret de La promesse ainsi arrachée, on mit cet
l’une des opérations était menacé par le homme en liberté, et on lui donna le moyen
roi d’être enfermé pour sa vie, comme pri de créer une fabrique de porcelaine. Le
sonnier d’Etat, dans la forteresse de Kœnig- malheureux mourut avant d’avoir mis ses
stein. procédés en exécution, « et le duc de
Le château d’Albert, près de Meissen, Brunswick, dit un historien, en eût été pour
était une véritable place forte. Le pont- ses frais, si un chimiste instruit n’eût
levis n’était abaissé que la nuit. L’entrée trouvé moyen de suppléer à ce qui man
en était rigoureusement interdite à qui quait. »
conque n’en faisait pas partie, et lors même Nous ne croyons pas devoir suivre, dans
que le roi y amenait un étranger de distinc leurs aventures et mésaventures, ces ou
tion, il était enjoint de lui cacher avec soin vriers qui, volant les secrets confiés à leur
le travail. honneur par leurs maîtres oü leurs compa
Cependant, en dépit de toutes les précau gnons, aidèrent à la fondation des fabri
tions prises par ordre du roi de Saxe, le se ques de porcelaine de Nuremberg, de Bran
cret si rigoureusement recommandé finit debourg, de Baireuth, de Vienne, du Hochst,
par passer par-dessus les murs et remparts de Furstemberg, de Berlin, etc., etc., qui
du château d’Albert. Les princes et les villes furent érigées en concurrence de la ma
d’Allemagne voulurent à l’envi établir des nufacture de Meissen.
fabriques de cette belle poterie, que l’on Les premiers produits de la fabrique
désignait dans toute l’Europe sous le nom de saxonne avaient été assez imparfaits. On les