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318                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE

                          Nous pouvons, après ces explications théo­  au-dessous du degré de chaleur où la vraie
                       riques préliminaires, arriver à l’histoire de   porcelaine se ramollit.
                       la découverte de la porcelaine tendre en     Dans le récit de ses voyages, Martin Lis­
                       France, produit que l’on fabriqua à Sèvres   ter, qui visita l’établissement de Saint-
                       jusqu’en 1804, qui eut le privilège d’une   Cloud en 1698, parlait en ces termes de la
                       grande célébrité à cette époque, et qui est   porcelaine fabriquée à Saint-Cloud :
                       devenu plus célèbre et plus recherché en­
                       core depuis qu’on n’en fait plus.           « J’ai vu les poteries de Saint-Cloud, et j’ensuis
                         Les procédés pour la fabrication de la   très-content; car, je l’avoue, je n’ai pu trouver au­
                                                                  cune différence entre les articles faits dans cet éta­
                       porcelaine tendre étaient très-compliqués.
                                                                 blissement et la plus belle porcelaine de Chine que
                       Dans la pratique, cette fabrication offrait   j’aie vue. Cependant les peintures en étaient beau­
                       d’immenses difficultés, à cause du ramollis­  coup mieux exécutées, nos ouvriers étant bien meil­
                                                                 leurs artistes que les Chinois; mais l’émail de cette
                       sement des pièces par la chaleur du four. On
                                                                 porcelaine n’est nullement inférieur à celui des
                       a prétendu qu’il a fallu plus de recherches,   porcelaines chinoises, en blancheur, en égalité de
                       de travaux, de génie même, pour inventer   surface et en absence de tout défaut. La substance
                                                                  qui constitue cette poterie m’a paru complètement
                       une telle porcelaine que pour faire la porce­
                                                                 identique, dure et ferme comme le marbre, du
                       laine dure, car cette dernière est composée   même grain et du même aspect vitrifié, de la même
                       de deux éléments que l’on emploie tels que la   vitrification. Je ne m’étais pas attendu à ce degré
                                                                  de perfection ; je croyais ne trouver qu’une espèce
                       nature les offre. C’est que, comme le dit
                                                                  de porcelaine de Gombron qui n’est, à vrai dire,
                       Brongniart, un laboratoire et des matières   qu’une sorte de matière vitreuse, mais je l’ai trou­
                        premières connues peuvent répondre, dans   vée, à mon grand étonnement, tout autre, et je
                       tous les temps, aux questions que leur font   crois que le siècle doit se féliciter de pouvoir sur­
                                                                  passer les Chinois dans leur plus bel art.
                       la science, la sagacité et la persévérance,
                                                                   « On vend, à Saint-Cloud, ces poteries à un prix
                       tandis que ces qualités ne sauraient faire   très-élevé : on demande plusieurs écus pour une
                       découvrir le kaolin ni le feldspath convena­  seule tasse à chocolat. On est parvenu à fixer, au
                                                                  four, l’or en charmants dessins d’échiquier. On a
                       bles pour la porcelaine, car ces matières,
                                                                 vendu des services à thé, à raison de quatre cents
                       assez rares, sont propres seulement à quel­  livres le service.
                       ques terrains. On ne connaît encore en      « 11 n’y a pas de sculpture ou de modèle de por­
                        France que quatre ou cinq gisements de   celaine de Chine qu’on n’ait imité en y ajoutant de
                                                                 nouveaux dessins, qui font un très bon effet et sont
                       kaolin et de feldspath.                   très-remarquables. »
                         La porcelaine tendre fut fabriquée pour
                       la première fois vers 1695, dans une manu­  Voltaire, dans le Siècle de Louis XIVT
                       facture qu’un potier, nommé Morin, avait   dit qu’on « a commencé à faire de la por-
                       créée à Saint-Cloud. Ce produit que Morin   « celaine à Saint Cloud avant qu’on en fît
                       présentait comme une imitation exacte     « dans le reste de l’Europe. » Ici Voltaire se
                       de la porcelaine de Chine ou de Saxe,     trompe, ce n’était que de la porcelaine ten­
                       était, au début, très-grossier, très-lourd, à   dre qu’on fabriquait à Saint-Cloud. Pen­
                       pâte jaunâtre et à vernis plombifère très-   dant ce temps la porcelaine dure de Saxe
                       épais.                                    était déjà répandue dans le commerce depuis
                         Les pièces sorties de la manufacture de   1710, et cette même porcelaine tendre était
                       Saint-Cloud, et exécutées sous la direction   alors fabriquée, dans toute l’Allemagne, à
                       d’un contre-maître nommé Trou, se recon­  Vienne dès 1744, à Berlin, à Nymphembourg
                       naissent à un décor bleu symétrique sur une   près Stuttgard, et à Saint-Pétersbourg. La
                       pâte épaisse d’un blanc laiteux. Ce n’est   porcelaine dure était pour plusieurs souve­
                       qu'une espèce de verre opaque, fusible bien   rains un objet de spéculation, et, en même
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