Page 328 - Les merveilles de l'industrie T1
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POTERIES, FAÏENCES ET PORCELAINES 322
toujours de la porcelaine tendre, dont la j Chinois ; ce qui n’empêcha pas Guettard
France était parvenue à faire adopter le d’adresser, en 1765, àl’Académie des scien
goût en Europe ; ce n’était pas encore la ces, un mémoire très-laudatif sur sa décou
porcelaine de la Chine, à base de kaolin. verte.
Mme de Pompadour aimait beaucoup la Le hasard que l’on attendait toujours
céramique. C’est à elle qu’on doit l’éta arriva enfin. Il se révéla à une femme de
blissement de la manufacture de Sèvres sur Saint-Yrieix, aux environs de Limoges.
le pied splendide où elle existe aujourd’hui. Mme Darnet, femme d’un chirurgien de
Elle avait encouragé toutes les tentatives Saint-Yrieix, avait remarqué dans un ra
faites en France pour imiter les porcelaines vin situé près de cette ville, une terre blan
de Saxe. Un jour, Adams lui ayant présenté che, onctueuse, qui lui parut propre à blan
quelques admirables échantillons de porce chir le linge. Elle emporta cette argile et la
laine arrivés de Chine, elle ordonna de fit voir à son mari. Ce dernier y soupçonna
poursuivre les recherches avec plus d’ardeur des caractères d’une tout autre nature. Pour
que jamais. éclaircir ses doutes — doutes qui ne seraient
La manufacture de Sèvres fabriquait sa pas venus à l’esprit d’un homme sans ins
porcelaitie tendre, en attendant qu’un heu truction — Darnet se rendit à Bordeaux, et
reux hasard — nous avons vu que le hasard montra la terre blanche à un pharmacien,
a joué un grand rôle dans tous les progrès nommé Villaris. Ce dernier, qui avait en
de la céramique — vînt révéler l’existence tendu parler des recherches qui se faisaient
en France de la précieuse matière qui seule alors sur tous les points de la France, pour
peut donner la porcelaine dure, c’est-à-dire y découvrir le kaolin, crut reconnaître les
du kaolin (1). caractères de cette terre dans l’argile de
Un premier pas fut fait en 1760, vers cette Saint-Yrieix. Il partit donc avec Darnet, pour
heureuse découverte. Saint-Yrieix, et sans plus tarder il expédia
Le fils du régent, Louis d’Orléans, avait un échantillon de cette argile à Macquer,
fondé à Bagnolet, un laboratoire, dans le chimiste de Paris, qui s’était occupé des re
but spécial de chercher la pierre philoso cherches sur les argiles propres à faire la
phale de cette époque, c’est-à-dire la por porcelaine chinoise.
celaine de Chine. Il avait mis à la tête de Macquer reconnut tout aussitôt le kaolin
ce laboratoire un minéralogiste en renom, dans l’argile qui lui était envoyée, et il
le docteur Guettard, à qui l’on doit le pre s’empressa de se rendre, de sa personne, à
mier essai d’une carte géologique de la Saint-Yrieix, pour juger de l’importance et
France. En 1760, Guettard découvrit près de la qualité de ce précieux gisement.
d’Alençon un gisement de kaolin. C’est en août 1768, que Macquer fit ce
Malheureusement cette roche était fort voyage. Par des expériences qu’il exécuta
impure. Guettard fabriqua de la porcelaine ensuite à Sèvres, Macquer changea tous les
avec le kaolin d’Alençon ; mais cette porce doutes en certitude, car il obtint, avec cette
laine était grise et fort inférieure à celle des argile comme base, une excellente porce
laine dure.
(I) Dans un mémoire intitulé l’Art de la porcelaine, par
le comte de Milly (in-4° de 60 pages avec planches, Paris
1771) on trouve décrits les procédés qui étaient employés à « Ainsi, dit Brongniart, cette trouvaille, due au
la fin de notre siècle en Saxe et à la manufacture de Sèvres hasard, en passant en peu de jours entre les mains
pour la fabrication de la porcelaine. Mais il faut bien no de trois personnes successivement plus instruites,
ter qu’il ne s’agit encore ici que de la porcelaine tendre, devint une découverte d’une grande influence sur
c’est-à-dire fabriquée sans kaolin. l’industrie céramique de la France. »