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326 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

à la même industrie, de ne pas se servir du couverts de bleu de roi, de bleu turquoise
procédé nouvellement inventé. Bien plus, et de rose-Duharry ; mais il n’existe plus
on défendait aux établissements particuliers beaucoup de porcelaines de cette nature, et
de se servir de certaines pâtes, d’orner les marchands de curiosités qui ne veulent
leurs porcelaines de dorures, d’employer pas en manquer la vente, ont recours aux
certains dessins. Si bien que les progrès supercheries les plus étranges pour les
réalisés, au lieu de contribuer au progrès de imiter.
l’industrie particulière, formaient une bar­ Voici un fait que raconte M. Marryat :
rière contre elle, ce qui allait directement
contre les intentions du roi, fondateur de « En 1860, les anciennes réserves de la manufac­
ture de Sèvres furent vendues aux enchères publi­
cet établissement modèle. Heureusement ces
ques. On vit à cette vente plusieurs personnes.qui,
abus ont disparu. En France, comme en non contentes de porcelaines dont elles s’étaient
tout pays, chaque fabrique de porcelaine rendues adjudicataires, s’empressaient d’acheter à
d’autres toute la porcelaine tendre dont elles pou­
peut aujourd’hui employer librement les
vaient disposer. On ignora longtemps le mobile de
procédés nouveaux que révèlent chaque jour ces acheteurs, dont les actes restèrent un mystère
la chimie et les arts, et la manufacture de pour tout le monde. Mais l’on apprit enfin qu’ils
avaient découvert un procédé à l’aide duquel ils en­
Sèvres, qui comprend parfaitement sa mis­
levaient le dessin original et l’émail, ce qui leur
sion, a toujours le souci de répandre dans permettait de colorer de nouveau la pièce en tur­
l’industrie privée les perfectionnements, les quoise ou en toute autre nuance, et d’ajouter des
découvertes, les modèles qui émanent de peintures ou des médaillons en imitation du style
de l’ancienne pâte tendre ; ils centuplaient ainsi
cette usine privilégiée et sans rivale. Au la valeur des pièces (1 ). »
siècle dernier, on n’usait pas de ce système
libéral, qui nous paraît tellement naturel, Comme le bleu turquoise est le plus es­
que nous sommes étonnés d’apprendre qu’il timé, il existe plus de pièces retouchées de
n’ait pas toujours existé. cette couleur que de toute autre, et aujour­
Les premiers essais de la manufacture de d’hui que la vieille porcelaine de Sèvres
Sèvres ne furent guère remarquables au est excessivement rare, on emploie pour
point de vue de l’art. Les formes des vases l’imiter, la porcelaine blanche de Derby.
de Sèvres qui remontent à cette période de M. Marryat dit qu'un marchand de porce­
début, sont raides et sans élégance. Du laine réalisa jadis une fortune considérable
reste, dans le principe, les directeurs de par ce moyen frauduleux.
Sèvres ne songeaient nullement à étudier Les têtes couronnées ne sont pas à l’abri
les modèles que nous a légués T Antiquité. des fraudes de cette nature. Un service à
En Saxe, au contraire, les artistes s’inspi­ déjeuner, orné de portraits de Louis XIV
raient toujours des chefs-d’œuvre de la et des principales dames de sa cour, fut
Grèce, ce qui a pendant longtemps donné offert, en 1816, à Louis XVIII, comme ayant
la suprématie à la porcelaine de Saxe. Sous été fait pour son grand-père, le roi Louis XV.
Louis XVI les potiers français se mirent, à Le roi l’envoya à Sèvres, pour faire consta­
leur tour, à étudier les vases grecs, et bien­ ter son authenticité. L’irrégularité des mar­
tôt le goût qui distingue toutes les produc­ ques, jointe à l’anomalie des formes, surtout
tions de notre nation, se fit remarquer aussi de celle du plateau, dont le style était celui
dans les pièces de porcelaine. qui ne fut trouvé qu’en 1788, donna la
La porcelaine tendre n’avait été faite preuve évidente de la fraude. Ce service,
avec perfection que de 1740 à 1769. Les
(1) Histoire des poteries, faïences et porcelaines, traduc­
modèles les plus recherchés sont ceux re­ tion française, t. II, p. 221.