Page 324 - Les merveilles de l'industrie T1
P. 324

POTERIES, FAÏENCES ET PORCELAINES.                            319

         temps, un objet de splendeur et de magni­  qui toutefois n’aboutirent à aucun résultat.
         ficence, alors que la France n’avait encore   En 1740, les frères Dubois, anciens ou­
         rien fait dans cette branche de la céra­  vriers de la manufacture de Chantilly, pro­
         mique.                                    posèrent au marquis d’Orry, ministre des
           La découverte de la porcelaine tendre,   finances, de lui révéler le secret de la com­
         qui se fit dans la manufacture de Saint-   position de la porcelaine de Chine. Le mi­
         Cloud, peut être fixée à l’année 1695, quinze   nistre accueillit leur proposition, et fit
         ans avant l'invention de la porcelaine dure   établir à Vincennes un laboratoire pour leurs
         de Saxe, et soixante-cinq ans au moins avant   expériences. Mais les essais des Dubois ne
         la découverte de la porcelaine dure de    réussirent pas, et ils furent renvoyés de
         France.                                   l’établissement, à cause de leur inconduite.
           La manufacture de Saint-Cloud florissait   On les remplaça par Gravant, homme in­
        encore en 1718, elle avait alors pour direc­  telligent, actif, qui commença à fabriquer
         teur Chicaneau.                           de la porcelaine tendre.
           Dix-huit ans plus tard, en 1735, un ou­   Gravand vendit le secret de cette fabri­
        vrier de Chicaneau, Cicaire Ciroux, alla   cation au frère du ministre des finances, à
        établir à Chantilly une manufacture de por­  Orry de Fulvy. Ce dernier, c’est-à-dire le
        celaine, dont les décors imitaient avec un   frère du ministre, s’associant à Charles
        grand bonheur l’ornementation chinoise.    Adams, sculpteur renommé, créa une com­
           Les lettres du P. d’Entrecolles avaient   pagnie pour la production de la porcelaine
        produit une grande impression en Europe.   tendre. Cette compagnie était protégée par
        On avait cru trouver dans les renseigne­   un privilège de trente années, et la permis­
        ments transmis par le savant jésuite, des   sion d’établir les ateliers dans le château de
         indications suffisantes pour arriver à imiter   Vincennes pour une durée de trente ans à
        la porcelaine de la Chine. Malheureuse­    partir de 1745.
         ment le P. d’Entrecolles, qui n’était pas   Le directeur de la manufacture de Vin­
        chimiste, n’avait fourni que des détails in­  cennes était Boileau, homme instruit et
        complets. Réaumur, qui leur accordait néan­  intelligent, qui sut s’entourer de savants et
        moins toute confiance, prit une fausse voie.   d’artistes capables de faire prospérer l’éta­
        En 1728, il réussit à produire une substance   blissement. Le chimiste Hellot était son
         nouvelle, qui fut désignée sous le nom de   conseiller scientifique.
        porcelaine de Réaumur. Mais cette désigna­   Le secret de la dorure sur porcelaine fut
        tion lui a été donnée à cause de son appa­  acheté par Boileau, au frère Hippolyte, les
        rence, plutôt que pour ses qualités réelles,   procédés de la peinture sur porcelaine au
        car elle n’est rien autre chose que du verre   sieur Caillot. Les décors et peintures de cette
        dévitrifié, comme nous l’avons expliqué    manufacture furent presque tous copiés sur
        dans cet ouvrage, en parlant du verre, dans   les modèles de la Chine et du Japon.
        la Notice qui précède celle-ci.              C’est à Boileau que l’on doit ces belles
           11 faut ajouter, du reste, que Réaumur   pièces en pâte tendre qui ont acquis une si
        reconnut promptement l’erreur dans la­     grande réputation à la manufacture de Vin­
        quelle il était tombé. Lorsqu’il eut reçu   cennes, laquelle, comme nous allons le voir,
        des échantillons du kaolin et du pe-tun-tse   devint bientôt la manufacture de Sèvres.
         (feldspath) de la Chine, il se mit à faire des   En 1753, comme l’établissement ne pros­
        recherches pour découvrir en France des ar­  pérait pas, on fit prendre au roi Louis XV
        giles ou des minéraux semblables, recherches   un tiers des actions de la manufacture de
   319   320   321   322   323   324   325   326   327   328   329