Page 316 - Les merveilles de l'industrie T1
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POTERIES, FAÏENCES ET PORCELAINES.                              311


         titre de baron aux garçons apothicaires.   qui fut ainsi mis au courant des préparatifs
            Ceci.se passait en 1703.                faits pour sa délivrance. On eut bientôt acheté
            Cependant Lascaris, qui voyageait encore '  ses domestiques, qui devinrent les intermé­
         en Allemagne, n’avait pas perdu de vue son   diaires d’une'correspondance plus facile et
         jeune ami. Il avait appris son départ pour   plus détaillée. Tout alla bien jusqu’au mo­
         Dresde et ce qui lui était arrivé dans la ca­  ment où les gens du roi s’aperçurent qu’il se
         pitale de la Saxe. A la mauvaise tournure |  tramait quelque chose entré les deux amis.
         que l’affaire semblait prendre, il regretta   L’ordre arriva aussitôt de s’emparer du doc­
         d’être la cause indirecte de la situation où   teur Pasch, qui fut jeté dans la forteresse de
         se trouvait Rôtticher, et résolut de n’épar­  Sonnenstein ; Bôtticher lui-même fut en­
         gner aucun sacrifice pour l’en tirer. 11 se   fermé dans celle de Kœnigstein, et confié
         rendit à Berlin.                           à la garde du comte Ehrenfried Walter de
            Pendant son séjour dans cette ville, Bôt­  Tschirnhaus. Toutefois on mit à sa disposi­
         ticher avait noué une liaison étroite avec un   tion un laboratoire, pour lui permettre de
         jeune médecin nommé Pasch, homme d’un      continuer ses recherches d’alchimie.
         caractère décidé. Lascaris s’adressa à lui.   Confié à la garde du comte de Tschirn­
         Dans un long entretien qu’ils eurent en­   haus, Bôtticher ne devait recouvrer sa liberté
         semble, Lascaris lui fit une peinture émou­  qu’après avoir composé de nouveau sa pou­
         vante de la triste position de leur ami, et le   dre philosophale, ou du moins indiqué ce
         persuada de se dévouer à sa délivrance.    qu’il employait pour la faire, deux conditions
         Pasch consentit à se rendre à Dresde, pour  presque égales, et pour lui également im­
         certifier à l'Électeur de Saxe l’innocence de   possibles à remplir. Mais la patience de l’É-
         Bôtticher, et lui proposer, en même temps,   lecteur était à bout ; il menaça l’artiste de
         une rançon de huit cent mille ducats.      toute sa colère. Dans ces conjonctures, Bôtti­
            Le docteur se mit en route. Il avait à   cher pouvait s’attendre au plus sinistre dé-
         Dresde, deux parents, grands seigneurs et   noûment, lorsqu’un bonheur imprévu vint
         très-influents à la cour. Espérant obtenir par   le tirer de danger.
         leur crédit une audience de l’Electeur, il   Depuis longtemps, comme nous l’avons
         s’adressa à eux, et leur communiqua ses pro­  dit, on s’occupait, en Europe, d’imiter la
         jets. Mais ses parents étaient gens expéri­  porcelaine que la Chine et le Japon avaient
         mentés et très au fait des habitudes des cours. !  le privilège exclusif de produire, et dont la
         Ils jugèrent, avec beaucoup de raison, que   fabrication était tenue fort secrète dans ces
         l’oflre faite à l’Électeur de Saxe d’une somme   deux pays. Les princes faisaient entrepren­
         aussi considérable ne pourrait que rendre   dre, à leurs frais, des études pour découvrir
         plus étroite la captivité de Bôtticher, attendu   la manière de fabriquer ces précieuses pote­
         que l’on ne mettrait pas en doute que tout   ries. L’Électeur de Saxe avait chargé le comte
         l’or en question ne dût être fabriqué par le j  de Tschirnhaus de recherches spéciales dans
         prisonnier. Ils proposèrent donc de n’adres­  cette direction. Or, c’est sous la surveillance
         ser au roi de Pologne aucune ouverture, et   particulière du comte de Tschirnhaus que
         de travailler en silence à préparer l’évasion   Bôtticher, comme on vient de.le voir, fut
         de l’alchimiste.                           placé, par l’ordre de l’Électeur, dans la for­
            Pasch approuva ce plan ; il s’installa dans   teresse de Kœnigstein, pour y continuer ses
         une maison voisine de celle de Bôtticher, et   travaux alchimiques. Témoin des essais du
         l’on commença par établir une correspon­   comte de Tshirnhaus relatifs à la fabrication
         dance par les fenêtres, avec le prisonnier,   de poteries analogues à la porcelaine de la
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