Page 304 - Les merveilles de l'industrie T1
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POTERIES, FAÏENCES ET PORCELAINES. 299
« 11 ne manque à King-te-tchin qu’une enceinte de deux ou trois rangs de barques à la queue les unes
murailles pour mériter le nom de ville et pouvoir des autres. Tel est le spectacle qui se présente à la
être comparé aux villes même les plus vastes et les vue lorsqu’on entre par une des gorges dans le port.
plus peuplées de la Chine. Ces endroits, nommés Des tourbillons de flammes et de fumée, qui s’élèvent
Tchin, qui sont en petit nombre, mais qui sont d’un en différents endroits, font d’abord remarquer l’é
grand commerce, n’ont point coutume d’avoir d’en tendue, la profondeur et les contours de Kiug—tc-
ceinte, peut-être afin qu’on puisse les étendre et tchin; à l’entrée de la nuit, on croit voir une vaste
agrandir autant qu’on veut, peut-être aussi afin ville toute en feu, ou bien une immense fournaise
qu’on ait plus de facilité pour embarquer et débar qui a plusieurs soupiraux. Peut-être que cette en
quer les marchandises. ceinte de montagnes forme une situation propre aux
« On comple, à King-te-tchin, dix-huit mille famil ouvrages de porcelaine.
les. 11 y a de gros marchands dont l’habitation occupe « On sera étonné qu’un lieu si peuplé, où il y a
un vaste espace et contient une multitude prodigieuse tant de richesses, où une infinité de barques abon
d’ouvriers; aussi l’on dit communément qu’il y a dent tous les jours et qui n’est point fermé de mu
plus d’un million d’âmes. Au reste, King-te-tchin a railles, soit cependant gouverné par un seul manda
une grande lieue de longueur sur le bord d’une belle rin sans qu’il y arrive le moindre désordre. A la
rivière. Ce n’est point un amas de maisons comme on vérité, King-te-tchin n’est qu’à une lieue (du district)
pourrait se l’imaginer ; les rues sont tirées au cor de Feou-liang et à dix-huit lieues de Yao-tcheou, mais
deau; elles se coupent et se croisent à certaines dis il faut avouer que la police y est admirable. Chaque
tances ; tout le terrain y est occupé et les maisons rue a un chef établi par le mandarin, et si elle est
n’y sont même que trop serrées et les rues trop étroi un peu longue, elle en a plusieurs. Chaque chef a
tes. En les traversant, on croit être au milieu d’une dix subalternes qui répondent chacun de dix mai
foire; on entend de tous côtés les cris des portefaix sons. Ils doivent veiller au bon ordre, accourir au
qui se font faire passage. premier tumulte, l’apaiser et en donner avis au man
« La dépense est bien plus considérable à King-te- darin sous peine de la bastonnade qui se donne ici
tchin qu’à Yao-tcheou, parce qu’il faut faire [venir fort libéralement. Souvent même le chef du quartier
d’ailleurs tout ce qui s’y consomme et même le bois a beau avertir du trouble qui vient d’arriver et assu
pour entretenir le feu des fourneaux. Cependant, rer qu’il a mis tout en œuvre pour le calmer, on est
malgré la cherté des vivres, King-te-tchin est l’asile toujours disposé à juger qu’il y a eu de sa faute, et il
d’une multitude de pauvres familles qui n’ont pas est difficile qu’il échappe au châtiment. Chaque rue
de quoi subsister dans, les villes des environs. On a ses barricades qui se ferment pendant la nuit. Les
trouve à y employer les jeunes gens et les personnes grandes rues en ont plusieurs. Un homme du quar
les moins robustes. 11 n’y a pas même jusqu’aux tier veille à chaque barricade, et il n’oserait ouvrir
aveugles et aux estropiés qui n’y gagnent leur vie à qu’à certains signaux la porte de sa barrière. Outre
broyer des couleurs. Anciennement, dit l’histoire de cela, la ronde se fait souvent par le mandarin du
Feou-liang, on ne comptait à King-te-tchin que trois lieu, et, de temps en temps, par des mandarins de
cents fourneaux à porcelaine, mais présentement il Feou-liang. De plus, il n’est guère permis aux étran
y en a bien trois mille. 11 n’est pas surprenant qu’on gers de coucher à King-te-tchin. Il faut, ou qu’ils
y voie souvent des incendies ; c’est pour cela que le passent la nuit dans leurs barques, ou qu’ils logent
génie du feu y a plusieurs temples. Le culte et les chez des gens de leur connaissance qui répondent de
honneurs qu’on rend à ce génie ne diminuent pas le leur conduite. Cette police maintient tout dans l’or
nombre des embrasements. 11 y a peu de temps dre, et établit une sûreté enlière dans un lieu dont
qu’il y eut huit cents maisons de brûlées. Elles ont les richesses réveilleraient la cupidité d’une infinité
dû être bientôt rétablies à en juger parla multitude de voleurs. »
des charpentiers et des maçons qui travaillaient dans
ce quartier. Le profit qu’on tire du louage des bouti
On voit que King-te-tchin était en pleine
ques rend le peuple chinois très-actif à réparer ces
sortes de pertes. prospérité à l’époque où le P. d’Entrecolles
« King-te-tchin est placé dans une vaste plaine en en faisait une si brillante description. Cette
vironnée de hautes montagnes. Celle qui est à l’orient prospérité se maintint encore pendant près
et contre laquelle il est adossé, forme en dehors une d’un siècle ; mais, à mesure que l’Europe
espèce de demi-cercle ; les montagnes qui sont à côté
apprit à fabriquer elle-même la véritable
donnent issue à deux rivières qui se réunissent;
l’une est assez petite, mais l’autre est fort grande porcelaine chinoise, ou porcelaine dure, et
et forme un beau port de près d’une lieue, dans lorsque les artistes européens surent appli
un vaste bassin où elle perd beaucoup de sa ra
quer sur cette pâte céramique les décors
pidité.
« On voit quelquefois dans ce vaste espace jusqu’à les plus brillants et les plus variés, la por