Page 307 - Les merveilles de l'industrie T1
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302                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

                          avec leurs maîtres. C’était une belle et cha­  les dragons — car il y a toujours des dra­
                          ritable application delà céramique. Nomino-   gons, aussi bien au Japon qu’en Chine —
                          Soukoune reçut, en récompense, l’autorisa­  sont moins monstrueux et les fleurs déno­
                          tion de prendre un nom de famille, qui signi­  tent plus de goût et sont plus correctes que
                          fie, dans la langue coréenne, fabricant,artiste.  celles de la porcelaine de Chine.
                            Vers 662 de l’ère chrétienne, un moine    Ces porcelaines affectaient souvent la
                          bouddhiste vulgarisa parmi les habitants de   forme de ce que nous appelons des cafetières,
                          la province d’Idsonmi, le secret de la fabri­  mais elles étaient destinées à contenir d’au­
                          cation des poteries translucides, et deux   tres liquides.
                          cents ans après, la céramique comptait au   En résumé, la céramique japonaise est
                          Japon un grand nombre de manufactures.    supérieure à celle de la Chine, bien qu’il y
                            Ce fut un fabricant japonais nommé Ka-   ait une grande ressemblance entre elles. On
                          tosiro Ouzemon, qui dota l’industrie japo­  constate chez les artistes japonais plus de
                          naise de perfectionnements remarquables.   goût, plus de création. Et ceci ne doit pas
                          Accompagné d’un bonze, il se rendit en    étonner. Nous trouvons dans le rapport
                          Chine, pour y étudier à fond tous les secrets   adressé à la Compagnie des Indes orientales
                          de la fabrication céramique. A son retour,   des Provinces-Unies, par des ambassadeurs
                          il put livrer au commerce des porcelaines   envoyés à l’empereur du Japon, les lignes
                          très-remarquables. Notons, toutefois, que   suivantes, qui prouvent à quel point on re­
                          vers la fin du xvne siècle, un prince japonais   cherchait au Japon, la perfection dans
                          appelait encore des ouvriers de la presqu’île   l’exécution, tandis qu’en Chine l’objectif
                          de Corée, pour travailler dans les fabriques   était plutôt la rapidité de la fabrication in­
                          de porcelaine de Fagni (province de Nagato).  dustrielle.
                            D’après le mémoire du docteur Hoffmann,
                                                                      « C’est l’ancienneté et l’adresse des maîtres qui
                          les fabriques de porcelaine du Japon sont
                                                                    ont fait ces pots, qui leur donnent le prix, et comme
                          principalement situées dans la province de   la pierre de touche parmi nos orfèvres fait connaître
                          Fizen,où les matériaux et les terres argileuses   le prix et la valeur de l’or et de l’argent, de même
                          nécessaires aux manufactures se trouvent en   pour ces pots, ils ont des maîtres qui jugent de ce
                                                                    qu’ils valent, selon l’antiquité, l’ouvrage, l’art ou la
                          abondance. Ainsi, près A'Imari, sur le ver­  réputation de l’ouvrier, et c’est fort cher que le roi
                          sant d’une montagne qui fournit le Kaolin   de Sungo acheta, il y a quelque temps, un de ces
                          dont sont faites les porcelaines, on trouve   pots : quatorze mille ducats; un Japonais chrétien
                                                                    de la ville de Sucei, paya, pourune semblable pièce
                          une agglomération de vingt-cinq villages,
                                                                    composée de trois parties, quatorze cents ducats. »
                          qui possèdent chacun au moins une ou deux
                          fabriques de porcelaine.                     Nous donnons (fig. 111, 112 et 113),
                            Il existe des différences notables entre la   différents spécimens de la porcelaine artis­
                          porcelaine du Japon et celle de la Chine.   tique japonaise.
                          Pour la porcelaine bleue, les dessins bleus
                          exécutés dans les fabriques des environs de   Nous nous reprocherions de ne pas in­
                          Nankin, paraissent être à la surface du ver­  tercaler ici une légende qui a cours au
                          nis, tandis que ceux de la porcelaine du   Japon à propos d’une porcelaine particu­
                          Japon semblent absorbés dans la pâte, sous   lière, les vases à thé si recherchés de l’île
                          le vernis. En général, la porcelaine japonaise   Mauri, c’est à l’ouvrage de Kæmpfer (1) que
                          est d’un blanc plus éclatant, la terre est   nous empruntons ces détails.
                          J une meilleure qualité, les dessins sont
                                                                      (1) Histoire naturelle civile et ecclésiastique du Japon.
                          plus simples, les ornements moins chargés ;   Amsterdam, 1732. Tome II.
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