Page 303 - Les merveilles de l'industrie T1
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298                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

                       Le père de Fontenay, jésuite, qui revenait,  ' D’autres de ses néophytes faisaient le com­
                     après seize ans de séjour dans le Céleste Em­  merce de la porcelaine. Le P. d’Entrecol­
                     pire, sur le navire où étaient embarquées ces   les, mû par le désir d’être utile à sa pa­
                     marchandises, apportait lui-même au roi,   trie, réunit tous les documents qu’il put trou­
                     de la part de l’empereur de la Chine, de ri­  ver sur la fabrication des porcelaines. Il
                     ches étoffes, de très-belles porcelaines et plu­  observa beaucoup par lui-même, il obtint
                     sieurs pains de thé.                      de ses adeptes chrétiens des informations
                      Le mouvement commercial auquel donnait   nombreuses et précises. On lui permit de
                     lieu la porcelaine était donc immense, et   visiter les fabriques et il put, de cette ma­
                     pourtant la composition de cette matière   nière, se procurer des échantillons des deux
                     précieuse restait toujours un secret impéné­  principaux matériaux employés, à savoir, le
                     trable. Cependant les efforts n’avaient pas   Kao-lin (argile) et le pe-tan-tse (feldspath).
                     manqué pour essayer de pénétrer ce mys­   Dans une lettre datée de Yao-tcheou, le
                     tère industriel. Déjà, en 1555, la compagnie   1er septembre 1712, le P. d’Entrecolles fit
                     hollandaise des Indes avait essayé d’envoyer   une longue description de la manière dont
                     de Batavia une ambassade à Canton, et de là   les Chinois procèdent à la fabrication de la
                     à Pékin. Cette ambassade avait.été accueillie   porcelaine. 11 joignit à cette lettre tous les
                     avec honneur par le Grand Khan ; mais elle   échantillons qu’il avait pu recueillir des
                     était revenue à Batavia, en 1557, sans avoir   pâtes, des minéraux, des moules, des com­
                     pu obtenir le moindre renseignement. « On   bustibles et des produits fabriqués.
                     tirerait plutôt de l’huile d’une enclume, di­  Nous ne reproduirons pas ici cette lettre qui
                     sent les ambassadeurs dans leur rapport,   n’a plus aucun intérêt à notre époque ; mais
                     que le moindre secret de la bouche d’un Chi­  nous ne pouvons nous dispenser d’emprun­
                     nois. Celui-là passerait pour un des plus   ter au P. d’Entrecolles les détails si inté­
                     grands criminels qui révélerait ce secret à   ressants qu’il donne sur la ville de King-te-
                     un autre. »                               tchin, qui fut, pendant huit siècles, le siège
                      Le secret si longtemps caché devait pour­  de la manufacture impériale.
                     tant être découvert, la lumière devait se   Cette ville est située dans le' district de
                     faire un jour sur ce mystère de l’industrie   Tseou-hang (province Kiang-tsï). Comme
                     orientale. Ce fut un missionnaire français   nous l’avons dit, elle était déjà célèbre polir
                     habitant la Chine qui eut l’insigne hon­  ses fabriques de porcelaine sous la dynastie
                     neur de le révéler à l’Europe. François-   de Tchin (577-588). C’est de 1004 à 1007
                     Xavier d’Entrecolles, supérieur général des   (dynastie des Song) qu’une fabrique impé­
                     Jésuites français, fut le premier qui, dans   riale y fut établie pour la première fois.
                     ses Lettres édifiantes, transmit à la France   Sous les empereurs du Mogol (1260 à 1368)
                     des détails circonstanciés sur la fabrication   le gouverneur général de Kiang-tse fut
                     de la porcelaine en Chine.                nommé inspecteur de la porcelaine de King-
                       Le P. d’Entrecolles comptait parmi ses   te-tchin,eï en 1369 un mandarin fut chargé
                     néophytes ou convertis au christianisme,   par l’empereur de la direction de cette ma­
                     dans la ville de Yao-tcheou, plusieurs Chi­  nufacture.
                     nois qui travaillaient la porcelaine (1).   Voici maintenant les détails que fournit
                                                               au sujet de cette ville industrielle de la
                       Il) M. Marryat fait remarquer qu’on voit dans la collec­  Chine le père d’Entrecolles.
                     tion Karford deux jarres de porcelaine de Nankin couleur
                     bleu et blanc, sur l’une desquelles est un Christ et sur   été peintes probablement de la main des Chinois conver Js
                     l’autre la sainte Vierge et l’enfant Jésus. Ces figures avaient  ! par le P. d’Entrecolles.
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