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POTERIES, FAÏENCES ET PORCELAINES. 247
246 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
est grande. Il est vrai que le style de Ra plats destinés à contenir des fruits. Leurs
Nous donnerons également (fig. 194) un recoglie (qui sème la vertu récolte la répu
phaël eut une grande influence sur les pein bords étaient ornés de fruits en relief, d’un
échantillon de la demi-majohque, dont les tation). D’autres faisaient écrire modeste
tures qui ornaient les faïences; il est vrai que jaune métallique, se détachant sur un fond
dessins formaient ordinairement une espèce ment sur leurs vases émaillés offerts en pré
le duc Guidobaldo donnait à exécuter aux blanc, et sur lequel jouaient quelques parties
d’ornementation mauresque, ou des armes sent, s'el donno è picolo e di poco valore,
peintres des fabriques qu’il avait établies à rouge-rubis. Le milieu de ces plats était dé
de famille. Les pièces les plus riches sont basta la fede, el povero se vedo (si le don est
décorées d’effigies de saints, de têtes de petit et de peu de valeur, il y a l'intention Pesaro, des dessins de Raphaël et de ses élè coré de reliefs représentant des armes hé
ves, mais il faut savoir que parmi les peintres raldiques.
déesses tirées de la mythologie, de portraits et la pauvreté disparaît).
de faïence de Pesaro, se trouvaient deux ar L’introduction de la véritable majolique
des princes contemporains, etc. Des ins En 1509, le duc d’Urbin, Guidobaldo II,
tistes qui portaient le nom de Raphaël. C’é à Pesaro, celle qui, par erreur, comme nous
criptions expliquent ou commentent les accordait un brevet de propriété à Jacques
taient Raphaël Ciarla et Raphaël del Colle. l'avons dit, fut nommée porcelaine de Pesaro,
sujets. Lanfranio, de Pesaro, pour l’application de
Voilà ce qui a fait attribuer faussement au date de 1500.
l’or sur la faïence italienne. 11 est présuma
grand peintre d’Urbin les belles poteries Pendant plus d’un demi-siècle, l’art céra
ble, dit M. Brongniart, que ce brevet s’ap
signées Raphaël. mique continua de faire dans cette ville des
pliquait au lustre mince et d’un jaune doré,
La faïence de Pesaro acquit promptement progrès remarquables. Cependant les artistes
qui enrichit de son éclat métallique les cou
une renommée universelle. L’usage des pré de Pesaro lui furent enlevés par des villes
leurs brillantes qu’il sert à recouvrir. Il est
! également probable que c’est par l’applica sents entre souverains s’était conservé de rivales ; de sorte que l’on fabriqua bientôt des
puis que Haroun-al Ralchild, le grand ca majoliques à Urbin, à Rimini, à Pise, à
tion de ce vernis sur un fond rouge ou
life musulman, avait envoyé à Charlemagne Naples, à Venise, etc.
jaune, que Maestro Giorgio (Georges An-
une belle horloge à sonnerie. Le duc Gui-
dreoli) donnait à ses ornements en 1511, et
■dobaldo faisait exécuter à Pesaro de magni Nous en resterons là pour les monuments
par conséquent après la découverte de Lan-
fiques services de faïence, qu’il donnait en de la renaissance italienne dans l’art de la
franc, un éclat de rubis ou d’or dont le se-
présent aux souverains et aux princes émi céramique.
! cret fut perdu depuis.
nents de l’Europe. Tel est le service de table L’influence de Lucca délia Robbia et des
Pendant longtemps les pièces, les vases,
qu’il fit composer pour l’empereur Charles- artistes de sa famille s’était fait sentir, non-
। les figurines fabriquées à Pesaro furent fort
Quint, dont les ornements étaient dus aux seulement dans la péninsule italienne, mais
galantes. On cite par exemple le vase de To-
frères Flaminio, à Orazzio Fontana, à Tad- dans toute l’Europe. Les majoliques étaient
renzio, fabriqué en 1550. (Ce Torenzio était
deo Zuccaro et à Batista Franco. En 1478, recherchées partout. Les souverains, les
fils d’un autre illustre potier de Pesaro.)
Fig. 194. — Plat en demi-majolique italienne. le pape Sixte IV remerciait Constance princes, les seigneurs, se les disputaient à
Au centre de ce plat est une cavité profonde,
Sforza (1) à l’occasion de vases de terre très- prix d’or. Les terres cuites italiennes te
i presque hémisphérique et aplatie seulement
élégamment travaillés, qu’il avait reçus du naient une large place dans les inventaires
Ce n’était pas par le libre échange qu’on assez pour obtenir la station. Autour de cette
comte, et qui « en considération des dona des châteaux, et figuraient dans les testa
procédait, à Pesaro et dans le duché d’Urbin, cavité s’étend un large bord, très-orné, où
teurs, étaient plus estimés que s’ils étaient ments, à côté des titres de propriété et des
au développement de l’industrie. Le 1er avril les instruments, la musique écrite, et des
d’or ou d’argent. » Dans une autre lettre sommes en numéraire. 11 est facile, du reste,
1486, un décret fut rendu par Jean Sforza vers invitent au plaisir de la danse.
Laurent le Magnifique remercie en ces de se rendre compte de cette vogue et de
d’Aragon, comte de Pesaro, pour défendre Ces coupes portaient le nom de ballate.
termes Robert Malatesta; « Les vases me cette admiration. Les peintres sur faïence
l’introduction des poteries étrangères dans Les jeunes gens les remplissaient de dragées,
plaisent par leur perfection et leur rareté, s’inspiraient des plus beaux modèles des ar
la ville et dans le comté. Mais à côté de ces et les offraient, dans les bals, à leurs dan
car ils sont entièrement nouveaux dans ce tistes de leur temps ; leurs vases reprodui
restrictions, nous voyons aussi, comme co seuses. Lorsque la cavité se trouvait vide,
pays, et je les estime plus que s’ils étaient saient des scènes empruntées aux œuvres
rollaires, les encouragements que les princes on y découvrait ou un amour ou un autre
en argent, les armes du donateur me rap gravées de Michel-Ange, et aux Loges de
donnaient à la céramique. C’était alors emblème. De là le nom de coppe amatorie
pelant sans cesse leur origine. » Raphaël.
X époque galante de la céramique. Pesaro (coupes d’amour) qu’on donnait également
Passeri loue beaucoup les pièces à relief
produisait des bustes de femmes avec un à ces pièces.
que les artistes de Pesaro fabriquèrent de
nom et la simple épithète de bella, que les Et ici nous aurons à rectifier une légende
1450 à 1500. C’étaient des fruttiere, petits
amants offraient à l’objet de leurs ardeurs. historique. On prétend que le grand peintre
Un amant plus discret faisait inscrire une Raphaël, l’immortel Raphaël d’Urbin, s’est (1) Les princes Sforza avaient acheté de la famille Mala
testa la seigneurie de Pesaro.
légende allégorique : Chi semina virtu fama lui-même occupé de l’art du potier. L’erreur