Page 247 - Les merveilles de l'industrie T1
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242 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
« La faïence fine présente dans son histoire une ' employée en Europe comme objet de décor.
particularité peut-être unique et tout à fait remar- .
Vasari reconnaît que « depuis 1300, la mode
quable.
« On connaît dans plusieurs collections de curio s’était introduite en Italie d’orner les fron
sités et chez quelques particuliers des pièces de tispices des églises avec des bassins en terre
faïence fine décorées dans le style de la Renais coloriée et très-bien vernissée, qui produi
sance, mais peut-être avec plus de goût et d’élégance
que beaucoup d’objets du même genre et de cette saient un très-bel effet en réunissant dans
même époque. leurs concavités les rayons du soleil et les
« On connaît en France dans différents cabinets en réfléchissant avec un grand charme. »
viron trente-sept pièces de cette belle faïence, ayant Vasari ne s’est pas servi du mot émail,
toutes plus ou moins les caractères que je viens de
signaler ; mais on n’a aucune connaissance ni de la de sorte qu’on ne sait pas si la terre des
manufacture où elle a été fabriquée, ni même du bassins (bacinï) dont il parle, était vernissée
pays où pouvait être située cette fabrication, ni exac (plombifère),ou émaillée (stannifère). Aussi,
tement de l'époque où elle a eu lieu.
« On peut cependant arriver assez sûrement à cette malgré les bacini de 1300 dont il nous
dernière notion, d’abord par le style des formes et parle, Vasari attribue-t-il l’invention de la
ornements qui se rapportent à celles du commen majolique (faïence à émail stannifère) à
cement du xvi8 siècle, ensuite en remarquant
Lucca délia Robbia, tandis que nous savons
sur quelques pièces moins parfaites que les autres,
la salamandre et quelques insignes de François Ier; ’ aujourd’hui que cet illustre artiste florentin
puis sur un grand nombre de ces pièces — ce sont les ; ne fit qu’imiter les procédés qu’on appliquait
plus belles — soit les armes de France et la devise de longtemps avant lui, à Mayorque et à Faenza.
Henri II, soit même uniquement cette devise (les
trois croissants entrelacés). On peut en conclure que Lucca délia Robbia était né en 1400. Il
ces pièces ont été fabriquées sous le règne de ces avait commencé par s’adonner à l’orfèvrerie,
princes, et vers l’époque qu’on a indiquée plus
ensuite sa vocation l’entraîna vers la sculp
haut (1). »
ture. On admire encore ses bas-reliefs re
En présence de ce texte, nous nous de présentant des chœurs de musique, qui or
mandons si ces faïences françaises dont on nent la tribune de l’orgue de l’église Sainte-
ne découvre pas l’origine, ne sortiraient pas Marie des Fleurs, à Florence. ~
de ces fabriques du bourg de Fayence, dont Vasari raconte que Lucca délia Robbia, qui
Mézerai atteste l’existence. C’est une ex recevait beaucoup de commandes, chercha
plication que nous soumettons aux archéo un procédé expéditif au moyen duquel il pût
logues et aux céramistes. éviter les tâtonnements du ciseau, ou les opé
rations multiples de la fonte. Pour atteindre
Cette digression, à propos du mot faïence, ce but, il imagina de faire cuire les modèles en
nous a un peu éloigné de notre revue his terre de ses productions sculpturales, et de
torique des progrès de l’art du potier de les recouvrir d’un enduit vitrifié, composé
terre. Nous arrivons à la Renaissance ita d’étain et de plomb.
lienne de la céramique, dont Lucca délia On ne saurait donc accorder à Lucca délia
Robbia fut le brillant et glorieux initia Robbia l’invention même des faïences. Il
teur, autant par les perfectionnements qu’il n’eut d’autre mérite que de faire usage d’un
apporta à l’émail stannifère, que par le ca procédé déjà connu, et mis en pratique avant
chet artistique qu’il sut donner à toutes les lui.Seulement il se distingua, dans cette bran
œuvres sorties de ses mains. che de l’art, par des productions tout à fait
On a vu, par le court historique que nous hors ligne et marquées du sceau du génie.
avons donné de l’art de l’émaillerie, que L’œuvre la plus ancienne de ce genre
1 émail était une matière depuis longtemps attribuée à Lucca délia Robbia, remonte, d’a
(1) Traité des arts céramiques, t. II, p. 175. près Vasari, à 1438. C’est un bas-relief rc-