Page 244 - Les merveilles de l'industrie T1
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POTERIES, FAÏENCES ET PORCELAINES. 239
docteur Écheverria, le premier auteur qui Que sont devenus les autres vases de
ait parlé des vases de l’Alhambra. l’Alhambra ? Un auteur anglais, M. Ford,
M. Davillier a traduit les curieux détails prétend que, vers 1620, le gouverneur Mon-
que donne le docteur Echeverria dans son tilla s’en servait comme de vases à fleurs, et
livre intitulé : Promenades dans Grenade. qu’une dame française en emporta un. Ce
La forme de ce livre est celle d’un dialogue qui est certain, c’cst que des trois vases
entre un étranger et un habitant de Grenade. dont il vient d’être parlé il n’en reste qu’un
Le premier explique à son hôte les merveilles aujourd’hui.
de la cité. L’habitant de Grenade parle à l’é Voici les dimensions exactes du vase de
tranger de la partie du palais de l’Alhambra l’Alhambra, dont une copie a été faite
où fut trouvé autrefois un trésor consistant , d après un dessin rapporté d’Espagne
en plusieurs vases de terre remplis d’or. par M. Dauzats : hauteur lm,36, circonfé
Citons maintenant la traduction de M. Da rence 2°',25, plus grande longueur de l’anse
villier : 0n',6L
Un vase fait à Sèvres pour reproduire ce
« L’étranger. Parlons de ces vases qui, me disiez- lui de l’Alhambra, et qui est de la grandeur
vous, contenaient un trésor. Où se trouvent-ils main du modèle, fut placé dans l’ancien palais du
tenant ?
£7?a6îtoit de Grenade .Aux Adarves,dans unpetit jar Corps législatif. Il en a été fait plus tard, à
din délicieux, qui fut mis en état et orné (au xvie siè- ■ Sèvres, une seconde copie, mais décorée de
cle) par le marquis de Mondejar, avec l’or prove- ' différents tons. Cette dernière copie a été
nant de ce trésor. Peut-être eut-il l’intention de
perpétuer le souvenir de cette découverte en plaçant donnée au Musée de Rouen. Mais, comme
dans le jardin ces vases-, qui sont des pièces très- le fait observer M. Salvétat, il est l’objet
remarquables. Rendons-nous à ce jardin et vous des critiques des gens de goût, qui regret
allez les voir. Entrons par cette porte et nous sorti
tent qu’on ne se soit pas maintenu dans les
rons par l’autre.
L’étranger. Quel merveilleux jardin ! quelle ad données de l’art mauresque.
mirable mer ! Maisvoyons les vases... Quel malheur ! On a, dit-on, découvert récemment en
comme ils sont endommagés ! Et ce qu’il y a de plus Sicile des vases ayant la plus grande ana
regrettable, c’est que, laissés à l’abandon comme
ils sont, ils se dégraderont chaque jour davan logie de forme, d’exécution et de matière
tage. avec celui de l’Alhambra. Il n’y aurait là
Le Grenadin. Ils finiront même par être entière rien d’étonnant, si l’on se rappelle qu’Ibn
ment détruits. Déjà il ne reste plus que les deux que
Batoutah disait, dès 1350, qu’on exportait
vous voyez et ces trois ou quatre morceaux du troi
sième. Chaque personne, en sortant d’ici, veut en des vases de Malaga dans les contrées les
emporter un souvenir, et c’est ainsi que les pauvres plus éloignées.
vases sont détruits petit à petit.
L’étranger. Mais sur ces deux-ci, parmi les belles
arabesques dont leur magnifique émail est orné, Après la fabrique de Malaga, celle de Ma
j’aperçois des inscriptions. jorque, l’une des îles Baléares, était la plus
Le Grenadin. Mais vous voyez que dans l’état de
dégradation où sont ces vases, leur émail étant usé célèbre au Moyen Age.
ou enlevé, il n’est plus guère possible de les lire : On sait que l’île de Majorque a donné son
sur ce premier vase, on ne peut guère distinguer nom à la faïence, qui a été longtemps ap
que le nom de Dieu, deux fois répété, aucun des deux pelée majolica. Beaucoup d’amateurs se ser
ne porte une autre inscription entièrement lisible.
vent même encore de ce nom pour désigner
Cela est bien certain, vous en êtes témoin; et si
quelqu’un se flatte d’avoir une copie de ces inscrip les faïences. Il est impossible de révoquer
tions, c’est qu’elle aura été relevée, il y a soixante en doute que le nom de majolique {majo-
ou quatre-vingts ans, dans un temps, où, sans doute,
licd) ne vienne de Majorica en changeant
elles étaient moins effacées et plus lisibles qu’au-
joard’hui. » une lettre, par coquetterie de langage, comme