Page 239 - Les merveilles de l'industrie T1
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                   ville, où l’émaillerie avait atteint, ainsi que   on a pu prendre, en quelque sorte sur le
                   l’art de la verrerie, un haut degré de per­  fait, le travail de l’émailleur. Des pièces
                   fection, furent attirés en Allemagne par les   ébauchées, brisées ou de rebut, montraient
                   empereurs, et firent ainsi connaître cet art à   ici une fibule encore revêtue de la che­
                   l’Occident. Lorsque Suger voulut orner d’é­  mise d’argile réfractaire dont on recouvrait
                   maux l’église de [Saint-Denis, il fit venir   les arêtes du métal que le feu devait respec­
                   des émaillcurs de la Lotharingie (Lorraine).  ter; là, une tète de clou émaillée, avant le
                     Au Moyen Age, les villes de Faenza et   polissage, et présentant encore les bavures
                   Castel-Durante, en Italie, étaient renommées   produites par une fusion irrégulière ; là
                   pour leurs émaux. En France, l’école de   encore, une tête d’épingle abandonnée
                   Limoges produisit des chefs-d’œuvre dont   parce que l’émail n’avait pas complètement
                   les Apôtres du Limosin, conservés à Char­  adhère au bronze ; ailleurs, le polissoir for­
                   tres, sont un des plus curieux spécimens.  mée par une pierre de grès creusée de cavi­
                     Auxvi* siècle, Bernard Palissy, appliquant   tés hémisphériques, d’une capacité varia­
                   les émaux sur les poteries, éleva l’art à un   ble, et adaptée aux volumes des objets ;
                   haut degré de perfection.                 puis des tenailles, des pinces, un marteau,
                     On distingue trois sortes d’émaux :     un creuset, etc.
                     1° Les émaux incrustés ou cloisonnés; 2°   Cette découverte prouve que l’art de la
                   les émaux translucides, appliqués sur verre   fabrication des émaux était connu de nos
                   et ciselés ; 3° les émaux peints.         ancêtres les Gaulois, avant l’invasion romai­
                     Pour obtenir l’émail incrusté ou cloisonné,   ne, puisque Bibracte était la capitale des
                   on détermine d’abord le trait de l’objet à   Eduens. Des Gaulois, cet art s’était trans­
                   représenter, au moyen de petites cloisons   mis à leurs successeurs dans les mêmes con­
                   d’or posant sur une feuille de métal; on   trées, de sorte qu’au Moyen Age il était pra­
                   remplit les interstices de matières colorées   tiqué en France d’une manière générale.
                   vitrifiables, sous forme de poudre, et l’on
                   fait fondre ensuite ces poudres dans un four   C’est au Moyen Age qu’apparaît.la faïence ;
                   de potier modérément chauffé, de telle sorte   c’est donc le moment d’aborder l’étude de
                   que la poudre se vitrifie, sans altérer le mé­  cette nouvelle espèce de poterie.
                   tal. Dans la champlevée, l’artiste creuse et   Et d’abord il faut en donner une défini­
                   grave ensuite les intervalles laissés par les   tion exacte.
                   traits.                                     La faïence est une poterie à pâte opaque,
                     Les émaux trouvés en 1872 au mont Beu-   coloriée ou blanchâtre, tendre, à texture
                   vray appartiennent au genre de la champ-   lâche, à cassure terreuse, recouverte d’un
                   levée.                                    émail opaque, stannifère.
                     Les objets fabriqués sont presque exclu­  L’industrie humaine avait fait un grand
                   sivement des têtes d’épingles ou des fibules,   pas le jour où l’on découvrit qu’en soumet­
                   destinées à orner la chevelure des femmes,   tant l’argile à l’action du feu, on la durcit
                   le costume ou les harnais des chefs. Les   et on lui enlève l’inconvénient de se délayer
                   dessins qui les recouvrent sont très-simples ;   dans l’eau. Mais les vases fabriqués avec l’ar­
                   ils se composent surtout de lignes concen­  gile cuite restaient poreux et absorbants.
                   triques ou de lignes obliques, partant du   L’application d’une glaçure venant les re­
                   centre de l'hémisphère pour se diriger en   couvrir d’une couche vitreuse imperméable
                   éventail vers la circonférence.           aux liquides, fut un progrès immense. A
                     Dans les décombres de l’antique Bibracte,   partir de ce moment on lustra, ou vernit les
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