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238 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
compte de l’himatiologie. Les anachronismes les ' présentent une surface unie, peinte et recou
touchaient fort peu. Wscopiaient dans leurs œuvres les verte d’un émail bleu. On y voit des dessins
armes et les coutumes de leur temps, et tels qu’ils les
voyaient passer tous les jours devant leurs fenêtres. très-finis en lustre d’or. L’écusson porte la
Si un artiste du xve siècle avait modelé ce monu devise des fondateurs musulmans du palais
ment, le duc serait représenté en costume du xve, de Grenade : « Il n'y a pas d’autre conquérant
et tout le reste aurait certes les caractères de l’exé
cution postérieure. » que Dieu. » La date de la fabrication de cette
piece peut être placée vers l’an 1280. La
Voici maintenant une autre preuve que, netteté des contours et l’éclat des couleurs
même au cœur de l’Italie, et bien avant montrent combien était déjà perfection
Lucca délia Robbia, l’émail stannifère était née, à cette époque, l’industrie céramique
déjà connu. On lit dans la Margarita pre- des Arabes.
ciosa, ouvrage écrit en 1330, par l’alchimiste On sera moins surpris de cet état avancé
Pierre le Bon : de l’art industriel chez les Arabes du Moyen
Age, quand on saura qu’à cette époque les
« Videbis cùm plumbum et stannum fuerunt cal-
cinata et combusta, quod post hoc congruùm con- écoles de Cordoue et de Grenade avaient
vertantur in vitrum. Sic faciunt qui vitrificant vasa porté au degré le plus élevé les connaissan
figuli (1). »
ces scientifiques. Pendant le Moyen Age,
Il résulte de cette citation que, dès 1330, c’est chez les Arabes, et particulièrement
les potiers français calcinaient le plomb et chez les Arabes d’Espagne, c’est-à-dire chez
l’étain, pour vernir les vases de terre cuite. les Maures, que s’était conservé et qu’avait
C’est bien là l’émail stannifère. continué de s’accroître, le flambeau des
sciences, éteint ou languissant dans presque
Nous arrivons maintenant aux célèbres tout le reste de l’Europe.
fabriques de poteries de Malaga, en Espagne, Arrêtons-nous maintenant devant le mo
que l’on doit considérer comme les premiè nument le plus remarquable de l’industrie
res où l’on ait fabriqué de la faïence. céramique hispano-mauresque. Nous vou
En parlant des colonies romaines, nous lons parler du vase de l'Alhambra, qui date
avons dit que l’Espagne s’était rendue célè de 1320, et qui sortit des mains des potiers
bre par la perfection de ses produits céra
de Malaga.
miques. Après la chute de l’empire d’Occi-
D’après le témoignage d’un voyageur na
dent, l’art de fabriquer les poteries décora tif de Tanger, Ibn Batoutah, qui écrivit en
tives s’était presque entièrement perdu en 1360, la fabrique de Malaga devait déjà
Europe. L’invasion des Maures en Espagne jouir d’une grande renommée à cette épo
fit revivre cette industrie. Les conquérants que, car cet auteur dit, textuellement, qu’on
arabes introduisirent en Espagne la fabrica fabrique à Malaga « la belle poterie dorée
tion des tuiles de terre émaillées, semblables que l’on exporte dans les parties du monde
à celles qui ornaient les mosquées de Perse les plus éloignées. »
et d’Arabie. Voici ce que la tradition apprend sur le
L’exécution de ces tuiles émaillées (que vase de l'Alhambra (fig. 190), le spécimen le
les Espagnols nomment azulejos) alla en se plus précieuxdel’art céramique au xive siècle.
perfectionnant. Nous donnons (fig. 189, Il fut trouvé dans ce palais, au xvie siècle,
page 236) un spécimen de ces tuiles. Elles
plein de pièces d’or.
(1) « Tu reconnaîtras, lorsque le plomb et l’étain auront : Vers 1764, on possédait, à l’Alhambra, deux
été calcinés et brûlés, qu’ils sont parfaitement convertis en
verre, (/est ainsi qu’opèrent ceux qui recouvrent d'un vases semblables, ainsi que les morceaux
vernis vitreux les vases de terre. » d’un troisième. Ce fait est rapporté par le