Page 160 - Les merveilles de l'industrie T1
P. 160

LE VERRE ET LE CRISTAL.                               155

             fate de cuivre, une magnifique teinte verte; avec le   blique. 11 évite, d’une part, les dangers de la fabri­
             sulfate de manganèse, des nuances brunes ; avec un   cation et de l’usage de la céruse et de l’oxyde de
             mélange de sulfate de fer et de sulfate de cuivre une   zinc; de l’autre, les inconvénients de l’odeur des
             teinte chocolat, etc. Il observa en même temps que   essences. M. Kuhlmann n’a pas craint d’établir la
             les sulfates doubles ainsi formés pénétraient dans   fabrication de ce blanc de baryte sur une grande
             les pierres et en augmentaient également la dureté.  échelle. Dans l’usine de Loos (Nord), le sulfate de
               « Peinture siliceuse. — De la silicatisation à la pein­  baryte naturel est transformé en chlorure de barium,
             ture siliceuse il n’y avait qu’un pas. Fuchs, profes­  qui, traité lui-même dans l’usine de Saint-André
             seur de minéralogie à l’université de Munich, avait   (Nord) par l’acide sulfurique, est transformé de nou­
             donné, dès 1847, au célèbre peintre allemand Kaul-   veau en sulfate de baryte, obtenu ainsi à l’état de
             bach, toutes les indications pour la fixation, au   ténuité et de pureté extrêmes. Cette fabrication est
             moyen d'une aspersion par le silicate de soude, des   montée de manière à pouvoir déjà livrer à la con­
             peintures à fresque exécutées alors au musée de   sommation 6,000 quintaux métriques par année de
             Berlin. M. Kuhlmann alla plus loin et appliqua di­  cette base, qui trouve un très-facile débouché.
             rectement les couleurs au pinceau. Il avait observé   « Cette nouvelle application fait le plus grand
             que l’action exercée par le carbonate de chaux sur   honneur à M. Kuhlmann, et la commission vous la
             les silicates de potasse et de soude, le déplacement   signale, monsieur le Ministre, comme un important
             de la silice, était également la même pour les car­  progrès. Comme économie, comme amélioration
             bonates de baryte, de strontiane, de magnésie, de   hygiénique, elle peut être utilisée dans les bâtiments
             fer, pour le carbonate de plomb, etc., même pour   militaires, les casernes, les écoles, les monuments
             d’autres sels, tels que le chromate de plomb, le chro-   publics, dans les plus modestes habitations.
             mate de chaux, la plupart des carbonates métalli­  « Bases colorées. — M. Kuhlmann, passant des ba­
             ques, et même aussi les oxydes de plomb et l’oxyde   ses blanches aux diverses matières minérales colo­
             de zinc.                                  rées, a reconnu que, sous l’influence du silicate de
               « 11 chercha d’abord à remplacer, dans l’applica­  potasse ou de soude, les mêmes réactions se produi­
             tion des couleurs minérales sur la pierre, l’huile et   sent, que les couleurs altérables par les alcalis ne
             les essences par des dissolutions de silicate de po­  peuvent être utilisées, mais que l’on peut appliquer
             tasse. Avec la céruse, la formation du silicate de   les ocres, le bleu et le vert d’outremer, l’oxyde de
             plomb était trop prompte pour permettre l’applica­  chrome, le jaune de zinc, le sulfure de cadmium,
             tion au pinceau de la nouvelle couleur. L’oxyde de   le minium, le noir de fumée calciné, l’oxyde de
             zinc donne des résultats satisfaisants. Le sulfate arti­  manganèse, etc. ; que les couleurs peu siccatives
             ficiel de baryte, qui lui avait déjà servi pour blan­  peuvent être rendues propres à la peinture, par
             chir les pierres trop foncées, fut encore utilement   leur mélange avec des couleurs plus siccatives ou
             employé dans cette circonstance, et il obtint, en le   par l’addition de bases blanches très-siccatives ;
             mélangeant dans une forte proportion avec l’oxyde   que les couleurs broyées avec la dissolution sili­
             de zinc, une couleur blanche d’un éclat plus vif et   ceuse concentrée s’appliquent plus nettement sur
             plus transparente. Le sulfate de baryte parut d’abord   les pierres silicatisées que sur celles non silicatisées ;
             ne pas pouvoir être employé seul, mais il fut cons­  que, dans ce dernier cas, il est toujours utile d im­
             taté qu’appliqué en couches successives, au moyen   prégner, quelque temps avant l’application des cou­
             de la colle forte ou de l'amidon, ou enfin au moyen   leurs, les surfaces avec une faible dissolution de si­
             d'un mélange d’amidon et de dissolution siliceuse,   licate ; que, pour la peinture d’appartement, on
             il couvrait aussi bien que la céruse et le blanc de   peut se contenter du procédé ordinaire de la pein­
             zinc dans la peinture à la colle et à l’amidon. Cette   ture à la détrempe, puis, pour fixer les couleurs,
             observation était de la plus haute importance ; une   d’appliquer, au moyen de brosses larges et molles,
             nouvelle base blanche, pouvant se substituer à celles   à un intervalle de quelques heures, deux couches
             employées jusqu’alors, était créée.       de silicate de potasse ou de soude à 6 degrés et à
               « Nouvelle base blanche. — La commission a été   10 degrés de l’aréomètre de Baumé.
             vivement impressionnée des résultats déjà obtenus   « Sur bois. — Sur le bois, l’application de la pein­
             de l’emploi du sulfate de baryte artificiel dans la   ture siliceuse a présenté quelques inconvénients.
             décoration de plusieurs habitations à Lille. L’éclat   Les bois imprégnés de résine ne reçoivent pas uni­
             et la blancheur des plus fines céruses semblent se   formément la couleur, l’humectation par l’eau de
             ternir au contact des peintures au sulfate de baryte.   dissolution tend à faire fendiller les surfaces. Le
             Cette base a l’avantage de ne pas s’altérer sous l’in­  frêne et le charme réussissent cependant fort bien,
             fluence des émanations d'hydrogène sulfuré ; elle   avec quelques précautions ; M. Kuhlmann a pu met­
             permet de faire, avec une économie extrême, des   tre sous les yeux de la commission des peintures sur
             deux ’iers environ, des peintures blanches, mates   bois déjà anciennes qui avaient résisté à un rayon­
             ou lustrées. Son emploi peut rendre également un   nement intense d’un foyer de chaleur voisin et à de
             immense service au point de vue de l’hygiène pu­  nombreux lavages.
   155   156   157   158   159   160   161   162   163   164   165