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commission, avait subi ce durcissement à une pro le dissout dans deux fois son poids d’eau. Cette dis
fondeur de près d’un centimètre. Cette silicatisation solution est celle qui est livrée au commerce, et
de la pierre, ainsi que M. Kuhlmann nomme cette marque 35 degrés à l’aréomètre de Baumé. 11 suffit
transformation, est due à la décomposition du sili de l’étendre de deux fois son volume d’eau pour
cate de potasse par le carbonate de chaux d’une part, obtenir le degré déconcentration le plus convenable
et par l’acide carbonique de l’air de l’autre. Une au durcissement.
dissolution de silicate de potasse abandonnée à l’air « Dans les constructions récentes, l’application
donne lieu, en effet, à la longue, à un dépôt géla peut être faite immédiatement; dans les construc
tineux et contractile de silice et à une couche de tions anciennes, il faut commencer par un nettoyage,
carbonate de potasse. lavage à la brosse dure ou lavage à la lessive de po
« Le dépôt de silice acquiert, avec le temps, assez tasse caustique, le plus souvent par un grattage à
de dureté pour rayer le verre. De deux boules de vif. Pour de grandes surfaces on procède à l’arrose
craie de môme diamètre, de même nature, silicati- ment à l’aide de pompes ou de grandes seringues à
sées dans les mêmes conditions, l’une, abandonnée jet divisé dont l’application a eu lieu en Allemagne,
à l’air libre, acquiert plus de dureté que la seconde, dès 1847, en ayant soin de recueillir, au moyen de
exposée sous une cloche, dans une atmosphère dé rigoles en terre glaise au pied des murs, le liquide
barrassée d’acide carbonique. Il se forme donc dans en excès. Pour des sculptures et certaines portions
la silicatisation, tant que la pierre est assez poreuse des bâtiments, on emploie des brosses molles et,
pour absorber une plus grande proportion de silicate avec avantage, le pinceau. L'expérience a démontré
de potasse, une sorte de silicéo-carbonate de chaux que trois applications faites à trois jours consécutifs
hydraté, qui durcit en perdant peu à peu son eau suffisent pour durcir convenablement la pierre. La
d'hydratation, et en outre, un dépôt contractile de quantité de dissolution absorbée varie avec la nature
silice, qui ajoute au durcissement de la pierre. Le de la pierre et sa porosité ; la dépense en silicate ne
carbonate de potasse produit à la surface une exsu dépasse pas 75 centimes par mètre carré pour les
dation presque insensible, qui diminue petit à petit pierres les plus poreuses.
pour disparaître entièrement, sans avoir en aucune « Ce procédé, appliqué aux nouvelles sculptures
façon altéré la surface. Au moyen de l’acide hydro- de la Bourse de Lille, aux travaux de restauration de
fluosilicique, M. Kuhlmann est parvenu à faire dis l’église Saint-Maurice, à la construction d’une nou
paraître l’inconvénient qui pourrait en résulter, et velle église à Wazemmes, à l’hôpital de Seclin, dans
même à ajouter au durcissement de la pierre. Les quelques travaux du génie militaire et dans des
pierres calcaires ainsi préparées prennent un grain constructions particulières à Lille, a complètement
serré, un aspect lisse, et peuvent recevoir un beau réussi.
poli. Le durcissement est singulièrement favorisé par « Dès 1811, MM. Benvignat, Marteau et Verly ont
la chaleur, et des calcaires poreux, plongés dans constaté l’efficacité de ce procédé. On l’a employé
une chaudière à haute pression, contenant un bain également sur d’autres points, à Versailles, à Fon
de silicate de potasse, présentaient déjà, au sortir de tainebleau, à la cathédrale de Chartres, à l’hôtel de
cette immersion, tous les caractères de calcaires si ville de Lyon, au Louvre, à Notre-Dame de Paris.
liceux compactes, sans que l’acide carbonique de Les architectes les plus recommandables, MM. Lassus,
l’air fût intervenu en aucune façon. Lefuel, Viollet-Leduc, etc., ont obtenu les résultats
« Des calcaires, M. Kuhlmann a passé aux pierres les plus satisfaisants.
poreuses, et a pu constater que l’action de l’acide « Teinture des pierres. — M. Kuhlmann, observant
carbonique de l’air sur le silicate de potasse suffisait que la silicatisation des constructions et des sculp
pour opérer à la surface une consolidation des pier tures donnait lieu à des colorations diverses, qui
res, variable avec la porosité. rendaient par exemple les joints plus marqués, fut
« Sur le sulfate de chaux ou plâtre, l’action du ainsi amené à trouver un remède à ces colorations.
silicate de potasse est sensiblement la même, mais A l’aide d’un silicate double de manganèse et de
elle est plus rapide, et elle a l’inconvénient de don potasse, il obtint une dissolution noirâtre applicable
ner naissance à du sulfate de potasse, qui en cris aux calcaires trop blancs. En délayant dans la disso
tallisant a la propriété de désagréger les surfaces. lution siliceuse du sulfate artificiel de baryte, il put
La dissolution, dans ce cas, doit être plus étendue, faire pénétrer dans la pierre poreuse, avec la silice,
afin que l’action soit plus lente et la consolidation un peu de ce sulfate, de manière à blanchir les sur
suffisante cependant pour éviter les effets de la faces trop foncées. 11 constata que les calcaires po
cristallisation du sulfate de potasse. reux soumis à l’ébullition dans des dissolutions de
<i Mode d’application. — De quelle manière M. Kuhl sulfates métalliques à oxydes insolubles dans l’eau,
mann p-.ocède t il à l’application du silicate de po donnent lieu à la fixation, à une certaine profon
tasse sur les monuments et les constructions en gé deur, de ces oxydes en combinaison intime avec le
néral ? 11 prend du silicate de potasse préparé dans sulfate de chaux. Avec le sulfate de fer, il obtint
ses usines et ayant la composition du verre soluble, une teinte rouille plus ou moins foncée; avec le sul