Page 159 - Les merveilles de l'industrie T1
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           commission, avait subi ce durcissement à une pro­  le dissout dans deux fois son poids d’eau. Cette dis­
           fondeur de près d’un centimètre. Cette silicatisation   solution est celle qui est livrée au commerce, et
           de la pierre, ainsi que M. Kuhlmann nomme cette   marque 35 degrés à l’aréomètre de Baumé. 11 suffit
           transformation, est due à la décomposition du sili­  de l’étendre de deux fois son volume d’eau pour
           cate de potasse par le carbonate de chaux d’une part,   obtenir le degré déconcentration le plus convenable
           et par l’acide carbonique de l’air de l’autre. Une   au durcissement.
           dissolution de silicate de potasse abandonnée à l’air   « Dans les constructions récentes, l’application
           donne lieu, en effet, à la longue, à un dépôt géla­  peut être faite immédiatement; dans les construc­
           tineux et contractile de silice et à une couche de   tions anciennes, il faut commencer par un nettoyage,
           carbonate de potasse.                     lavage à la brosse dure ou lavage à la lessive de po­
            « Le dépôt de silice acquiert, avec le temps, assez   tasse caustique, le plus souvent par un grattage à
           de dureté pour rayer le verre. De deux boules de   vif. Pour de grandes surfaces on procède à l’arrose­
           craie de môme diamètre, de même nature, silicati-   ment à l’aide de pompes ou de grandes seringues à
           sées dans les mêmes conditions, l’une, abandonnée   jet divisé dont l’application a eu lieu en Allemagne,
          à l’air libre, acquiert plus de dureté que la seconde,   dès 1847, en ayant soin de recueillir, au moyen de
          exposée sous une cloche, dans une atmosphère dé­  rigoles en terre glaise au pied des murs, le liquide
          barrassée d’acide carbonique. Il se forme donc dans   en excès. Pour des sculptures et certaines portions
          la silicatisation, tant que la pierre est assez poreuse   des bâtiments, on emploie des brosses molles et,
          pour absorber une plus grande proportion de silicate   avec avantage, le pinceau. L'expérience a démontré
          de potasse, une sorte de silicéo-carbonate de chaux   que trois applications faites à trois jours consécutifs
          hydraté, qui durcit en perdant peu à peu son eau   suffisent pour durcir convenablement la pierre. La
          d'hydratation, et en outre, un dépôt contractile de   quantité de dissolution absorbée varie avec la nature
          silice, qui ajoute au durcissement de la pierre. Le   de la pierre et sa porosité ; la dépense en silicate ne
          carbonate de potasse produit à la surface une exsu­  dépasse pas 75 centimes par mètre carré pour les
          dation presque insensible, qui diminue petit à petit   pierres les plus poreuses.
          pour disparaître entièrement, sans avoir en aucune   « Ce procédé, appliqué aux nouvelles sculptures
          façon altéré la surface. Au moyen de l’acide hydro-   de la Bourse de Lille, aux travaux de restauration de
          fluosilicique, M. Kuhlmann est parvenu à faire dis­  l’église Saint-Maurice, à la construction d’une nou­
          paraître l’inconvénient qui pourrait en résulter, et   velle église à Wazemmes, à l’hôpital de Seclin, dans
          même à ajouter au durcissement de la pierre. Les   quelques travaux du génie militaire et dans des
          pierres calcaires ainsi préparées prennent un grain   constructions particulières à Lille, a complètement
          serré, un aspect lisse, et peuvent recevoir un beau   réussi.
          poli. Le durcissement est singulièrement favorisé par   « Dès 1811, MM. Benvignat, Marteau et Verly ont
          la chaleur, et des calcaires poreux, plongés dans   constaté l’efficacité de ce procédé. On l’a employé
          une chaudière à haute pression, contenant un bain   également sur d’autres points, à Versailles, à Fon­
          de silicate de potasse, présentaient déjà, au sortir de   tainebleau, à la cathédrale de Chartres, à l’hôtel de
          cette immersion, tous les caractères de calcaires si­  ville de Lyon, au Louvre, à Notre-Dame de Paris.
          liceux compactes, sans que l’acide carbonique de   Les architectes les plus recommandables, MM. Lassus,
          l’air fût intervenu en aucune façon.      Lefuel, Viollet-Leduc, etc., ont obtenu les résultats
            « Des calcaires, M. Kuhlmann a passé aux pierres   les plus satisfaisants.
          poreuses, et a pu constater que l’action de l’acide   « Teinture des pierres. — M. Kuhlmann, observant
          carbonique de l’air sur le silicate de potasse suffisait   que la silicatisation des constructions et des sculp­
          pour opérer à la surface une consolidation des pier­  tures donnait lieu à des colorations diverses, qui
          res, variable avec la porosité.           rendaient par exemple les joints plus marqués, fut
            « Sur le sulfate de chaux ou plâtre, l’action du   ainsi amené à trouver un remède à ces colorations.
          silicate de potasse est sensiblement la même, mais   A l’aide d’un silicate double de manganèse et de
          elle est plus rapide, et elle a l’inconvénient de don­  potasse, il obtint une dissolution noirâtre applicable
          ner naissance à du sulfate de potasse, qui en cris­  aux calcaires trop blancs. En délayant dans la disso­
          tallisant a la propriété de désagréger les surfaces.   lution siliceuse du sulfate artificiel de baryte, il put
          La dissolution, dans ce cas, doit être plus étendue,   faire pénétrer dans la pierre poreuse, avec la silice,
          afin que l’action soit plus lente et la consolidation   un peu de ce sulfate, de manière à blanchir les sur­
          suffisante cependant pour éviter les effets de la   faces trop foncées. 11 constata que les calcaires po­
          cristallisation du sulfate de potasse.    reux soumis à l’ébullition dans des dissolutions de
            <i Mode d’application. — De quelle manière M. Kuhl­  sulfates métalliques à oxydes insolubles dans l’eau,
          mann p-.ocède t il à l’application du silicate de po­  donnent lieu à la fixation, à une certaine profon­
          tasse sur les monuments et les constructions en gé­  deur, de ces oxydes en combinaison intime avec le
          néral ? 11 prend du silicate de potasse préparé dans   sulfate de chaux. Avec le sulfate de fer, il obtint
          ses usines et ayant la composition du verre soluble,   une teinte rouille plus ou moins foncée; avec le sul­
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