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438 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
erreur de croire que le cristal ordinaire de pouvoir dispersif de la lumière était égal,
nos tables, ou que le verre de nos vitres, chez tous les corps, à leur pouvoir réfrin
puissent remplir l’office du flint-glass et du gent. Or, c’était là une erreur du grand
erow/z-ÿZâfsspourlafabricationdesverres d’op géomètre, et cette erreur avait la malheu
tique. La composition de ces deux verres dif reuse conséquence de faire considérer comme
fère de celle du cristal ordinaire et des verres impossible la réalisation de l’achromatisme.
à vitres, par la proportion de l’oxyde de Ce fut un mathématicien suisse, le célèbre
plomb, en ce qui concerne le flint-glass; et Euler, de Bâle, qui, contredisant les vues
par la proportion du carbonate de soude et de Newton, osa le premier affirmer que
du sable, en ce qui concerne le crown-glass. l’achromatisme était possible. Euler se disait
Enfin la fonte de ces deux verres dans le que Dieu a fait de l’achromatisme, puisqu’il
creuset exige une opération particulière, le a créé l’œil de l’homme et des animaux, dans
brassage, sans laquelle le flint-glass et le lesquels il existe une lentille, le cristallin,
crown-glass ne pourraient servir à la cons qui réfracte énormément la lumière, sans
truction des verres d’optique. C’est ce que que pour cela la lumière soit décomposée,
l’on comprendra par la suite de ce chapitre. car nous voyons les objets avec leurs cou
Le flint-glass et le crown-glass servent à leurs simples. En étudiant l’œil des ani
composer les lentilles achromatiques des té maux, Euler avait reconnu que le cristallin
lescopes et des microscopes ; le crown-glass est composé de couches de puissance réfran-
seul forme les verres des lunettes de myope gible variable, et que l’humeur vitrée, à la
et de presbyte vulgairement nommées besi quelle le cristallin est contigu, a un pouvoir
cles, ainsi que les conserves. Nous les exami réfringent autre que le pouvoir réfringent
nerons chacun à part. du cris'allin.
Dans un mémoire célèbre, qui parut en
Verres achromatiques. — Les lentilles de 1747, Euler prouva qu’il serait possible de
verre décomposent la lumière et produisent réaliser l’achromatisme en construisant une
sur les images formées à leur foyer des cou lentille ordinaire en cristal, qui serait suivie
leurs irisées, qui ne sont autre chose que de d’une seconde lentille pleine d’eau, c’est-à-
petits spectres lumineux résultant de la dé dire d’une lentille réfractant et décomposant
composition de la lumière par les bords de la lumière, suivie d’une autre qui, réfractant
la lentille. On appelle achromatisme (de à inversement la lumière, ramènerait dans la
privatif et xprâpa, couleur), l’opération qui direction parallèle les rayons brisés par le
consiste à corriger ce vicieux effet des len premier milieu.
tilles. Les opticiens de l’Europe se mirent aus
L’achromatisme parut longtemps un pro sitôt en devoir de vérifier par expérience
blème insoluble. La lunette astronomique et les vues du mathématicien suisse.
la lunette de spectacle étaient, depuis un siè Un seul y réussit. Ce fut un opticien de
cle, en la possession des savants et du pu Londres, nommé Dollond. Confiant dans
blic, et personne n’avait pu parvenir à faire l’exactitude des expériences de Newton, Dol
disparaître ces couleurs irisées qui environ lond avait d’abord critiqué l’opinion d’Euler.
naient les objets vus à travers les lentilles des Cependant, tenu en garde contre la loi de
télescopes et des lorgnettes. On ne croyait Newton par les calculs d’un géomètre suédois,
pas qu’il fût possible de réfracter les rayons nommé Kliengenstiern, Dollond prit plus tard
lumineux sans les décomposer du même confiance dans la théorie d’Euler, et il se mit
coup. Newton avait posé en principe que le à répéter les expériences de Newton. Or, il