Page 140 - Les merveilles de l'industrie T1
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LE VERRE ET LE CRISTAL. 135
constituent le jais, fera parfaitement com । baquet est plein, on porte son contenu dans
prendre la fabrication des grains de verre de un cylindre de fer, de forme ovale, bien
couleur destinés à former des colliers. Ce fermé, et qui repose sur un fourneau allumé.
genre de produit fut longtemps le privilège La caisse de fer rougit par l’excès de chaleur,
de Venise, et il s’est conservé jusqu’à nos et on la retourne sans cesse sur le feu, au
jours, dans cette ville, comme le dernier moyen d’une manivelle et d’un axe qui la
vestige de son ancienne industrie. Quand nous traverse de part en part. Les tubes perdent
visitâmes Venise, en 1865, nous étions très- ainsi leurs aspérités, leurs extrémités se ra
empressé de parcourir les célèbres verreries et mollissent. Quand on les retire du cylindre
fabriques de miroirs de Murano. Hélas ! de chaud, il ne reste plus qu’à les séparer de la
ces ateliers si nombreux et si renommés, qui poussière d’argile et de charbon, et à les
occupèrent, au xvie siècle, jusqu’à trois mille polir dans un sac contenant du sable, puis
ouvriers, et d’où sont sorties tant d’œuvres ad dans un autre contenant du son.
mirées et précieuses, pas un seul n’existait ! Les perles ainsi obtenues sont des grains
Tout ce qu’on put nous montrer, et tout ce colorés percés d’un trou ; mais ils n’ont pas
qui subsiste encore dans la Venise moderne, tous la même grosseur. Pour les classer se
de l’art qui fit autrefois sa richesse et sa lon leur volume, on les passe à travers des
gloire, ce sont trois ou quatre pauvres fabri cribles dont les trous sont de différents dia
ques, éparses dans la petite île de Murano, où mètres.
se confectionnent les grains de verre de cou On les livre alors à des femmes, qui les en
leur, objet encore recherché pour le com filent par petits colliers de 15 à 16 centi
merce de la côte de Guinée. La cité de Venise, mètres de long, et qui, en cet état, sont livrés
si fière de son industrie, et qui avait le monde au commerce.
entier pour tributaire, en est aujourd’hui à Les perles pour l’usage de la broderie se
s’estimer heureuse de trouver le débouché de fabriquent de la même manière ; seulement
ses produits chez les pauvres nègres du Congo ! les grains sont beaucoup plus petits, et exigent
Quoi qu’il en soit, voici comment, dans les plus de précaution dans le travail.
deux ou trois fabriques actuelles de Murano,
on opère pour la fabrication de ces grains de Imitation des perles fines. — L’industrie
verre coloré destinés à former des colliers de de l’imitation des perles fines est toute dif
verroterie pour l’exportation, et que l’on férente de celle de la fabrication des grains
nomme perles de Venise, ou perles de couleur. de verroterie de couleur destinés à former
On prépare le verre à la manière ordinaire, des colliers. Cette fabrication ne se fait pas
en le colorant en rouge, vert ou bleu, avec dans les verreries, mais à la table d’un sim
les oxydes métalliques appropriés. Ensuite on ple émailleur ou souffleur de verre. Elie
étire des tubes que l’on coupe, au diamant, n’est pas d’origine ancienne, car elle ne
à la longueur d’environ 70 centimètres. Alors remonte pas au delà du xvin' siècle. Enfin
commence le travail de l’ouvrier perlier. elle est essentiellement française, car elle
A l’aide d’un couteau qui se meut vertica fut inventée, dans son principe essentiel, par
lement et qui est fixé par une charnière, au un fabricant de Paris.
bord d’une table, la margaritarza coupe le On appelle perle fine ou perle naturelle,
tube en morceaux juste aussi grands que son un grain irrégulier de matière nacrée, que
diamètre intérieur. Les morceaux tombent l’on trouve sous le manteau ou dans la chair
dans un baquet, qui contient un mélange de d’un mollusque, l’Huître perlière, ou Pinta-
poussière de charbon et d’argile. Quand le dine, que les naturalistes désignent sous le