Page 136 - Les merveilles de l'industrie T1
P. 136

LE VERRE ET LE CRISTAL.                                131

           tordu que le riche banquier allemand Fug-   l’eau ; mais on préfère recouvrir d’une pein­
           ger offrit à Charles-Quint, à Augsbourg.  ture d’émail, que l’on prépare et que l’on
             Une des merveilles du verre filé se voit en­  applique comme il suit.
           core au Conservatoire des arts et métiers de   On prend de l’émail blanc et on le broie
           Paris, dans la salle consacrée aux produits   aussi fin que possible ; puis on le délaye à l’es­
           de la verrerie. C’est un lion, de grandeur na­  sence. Au moyen d’un pinceau ou d’une brosse
           turelle, qui, hérissant sa crinière de verre   on applique sur la vitre une première couche
           filé, écrase, de sa patte de verre tordu, un   consistant en poudre d’émail, seulement dé­
           serpent en verre coulé. Cet objet de patience   layée dans l’eau, et quand elle est sèche, on
           et d’art coûta trente années de travail à son   applique une couche d’émail à l’essence. Les
           auteur, M. Lambourg.                      feuilles de vitres ainsi recouvertes d’émail sont
             Maintenant, pour aller au bout de nos   introduites dans un four à recuire ou exposées
           Merveilles de 1 industrie du verre, nous dirons   au feu de moufle. L’émail fond et constitue
           que ces tubes si fins, si déliés, plus fins et   sur la vitre, une couche demi-opaque, qui est
           plus déliés que des cheveux, contiennent   d’un effet très-heureux.
           pourtant encore dans leur intérieur, la perce
                                                       Au lieu d’un vernis d’émail uni, si l’on veut
           ou l’orifice du tube primitif. Ils ne sont ja­
                                                     obtenir des dessins réguliers formés par la
           mais pleins, quelle que soit la ténuité de leur
                                                     transparence du verre, c’est-à-dire les verres
           diamètre. Voici ce qu’on lit dans le Diction­
                                                     dits mousseline (par comparaison avec le tissu
           naire technologique :
                                                     de la mousseline), on opère comme il suit.
             « Quand on étire un tube de verre creux, le trou   Quand la couche d’émail uniforme est étalée
           se conserve quelle que soit la finesse du fil. M. Deu-   sur la feuille et qu’elle est bien sèche, on ap­
           char a pris un morceau de tube de thermomètre,   plique par-dessus une plaque de laiton mince,
           dont le diamètre intérieur était très petit, et l’a tiré
                                                      percée à jour, de manière à figurer le dessin
            en fils ; la roue dont il s’est servi avait 3 pieds de
            circonférence, et comme elle faisait cinq cents tours   que l’on veut produire ; puis, avec une brosse
           par minute, on obtenait 30,000 mètres de fil par   dure, que l’on promène sur cette plaque per­
           heure, en sorte que le fil était d’une finesse extrême,
                                                      cée, on enlève l’émail dans les points restés
            et que son diamètre intérieur était à peine calcula­
           ble. Ce fil était creux, car étant coupé par morceaux   à jour. On répète ce brossage sur toute la vi­
            d’un pouce et demi de longueur, et placé sur le ré­  tre, en appliquant plus loin la plaque de lai­
           cipient d’une machine pneumatique, un bout en
                                                      ton percée, suivant des points de repère qu’on
           dedans, l’autre en dehors, il laissa passer le mercure
           en petits filets brillants lorsqu’on fit le vide (1). »  a disposés d’avance, de façon que le dessin
                                                      se suive et se raccorde. On frotte de nouveau
              Verre dépoli et verre mousseline. — Les   avec la brosse pour enlever l’émail ; et de cette
           vitres cannelées qui laissent entrer le jour   manière on produit un dessin régulier sur
           dans une pièce d’appartement sans per­     la eurface entière du verre. On enlève avec
           mettre de voir du dehors l’intérieur de cette   une barbe de plume la poudre d’émail déta­
           pièce, sont d’un assez grand usage, mais ils   chée par ce grattage, et on porte la pièce au
           n’ont pas le cachet d’élégance que l’on recher­  four.
           che généralement. Aussi leur substitue-t-on   Si l’on veut faire des vitres de verre mous­
            souvent aujourd’hui les carreaux de verre dé­  seline, avec une teinte rosée, bleue, etc., on
           poli.                                      emploie, au lieu d’un émail blanc, un émail
              Le dépoli peut s’obtenir en frottant la vitre   coloré.
            avec du grès en poudre très-fine délayé dans


             (1) Tome 22, p. 216, in-8. Paris, 1835.
   131   132   133   134   135   136   137   138   139   140   141