Page 139 - Les merveilles de l'industrie T1
P. 139
134 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
bre dans notre Musée Égyptien du Louvre, autre chose qu’un assemblage de verres noirs.
sont composés de petits tubes de verre de On le fabrique comme il suit.
couleur, coupés et rapprochés de manière à Le verre noir se prépare en ajoutant aux
composer un collier. Les femmes égyptien éléments ordinaires du verre à vitres, un mé
nes formaient avec ces tubes de verre de lange d’oxydes de cuivre, de fer et de cobalt,,
couleur de charmants colliers, grâce à l’art et étirant, avec ce verre, des tubes d’un faible
merveilleux avec lequel elles savaient en diamètre intérieur. Ces tubes une fois obtenus,
assortir les couleurs sur leur brune poi on les coupe en cylindres assez petits pour
trine. que leur hauteur égale leur diamètre. Pour
Le/azeZ, ou jais artificiel, formé de petits arrondir les deux extrémités de chacun de
tubes de verre un peu arrondis à leur extré ces petits tubes, sans boucher leur canal, on
mité et servant à composer des passemente jette les petits tubes dans un récipient de fer
ries pour la toilette, n’a jamais cessé, depuis qui contient un mélange pulvérulent d’argile,
les anciens, d’être fabriqué par l’industrie de poussier de charbon, de plâtre et de gra
européenne. Voici ce qu’on lit dans un vo phite, toutes substances qui ne s’altèrent pas
lume intitulé la Verrerie, parM. Sauzay, con par la chaleur. On agite les tubes au milieu
servateur-adjoint au Musée du Louvre : de cette poussière minérale, qui remplit bien
tôt leur canal intérieur. Alors on porte le tout
« Nous allons prouver que les broderies en jais, dans un four de verrier, en ayant soin d’a
telles qu’on les fait aujourd’hui, loin d’être une in
novation, ne sont qu’une pâle et économique imita giter toujours le mélange. La chaleur ramol
tion des modes passées. lit le verre ; les extrémités des tubes fondent
« En effet, Savary écrivait, en 1723. dans son en partie, et en frottant les unes contre les
Dictionnaire universel du commerce : « C’est avec le
autres, elles usent leurs parties saillantes et
jais factice coupé et percé qu’on enfile dans de la
soie ou du fil, que l’on fait des broderies d’un assez prennent une forme bombée ou demi-sphé
bon goût, mais très-chères, qui servent particuliè rique. La matière pulvérulente qui remplit
rement aux ornements d’église. On en fait aussi
chacun de ces tubes maintient leur forme
des garnitures de petit deuil pour hommes et pour
femmes, et quelquefois des manchons, des palatines et empêche le trou de se boucher. La poudre
et des chamarrures de robes. Pour ces derniers, le jais qui les environne les sépare, les isole et les
qu’on emploie à ces ouvrages est blanc et noir, mais
empêche de se coller ensemble par leur ra
de quelque couleur qu’il soit, il est d’un très-mau
vais user. » mollissement.
« De ces paroles on aurait tort d’arguer que l’u Quand le tout s’est refroidi, on le place sur
sage des broderies en jais ne remonte qu’à l’époque
un tamis à toile métallique, pour séparer les
indiquée par Savary, car le xvnie siècle, tout aussi
bien que le nôtre, vivait des morts, dont il ressusci tubes ou grains de jais de la poudre qui les
tait les inventions. Pour la question qui nous oc enveloppe, et faire tomber celle qui est restée
cupe, un seul exemple entre mille le prouvera. En à leur intérieur.
effet, ouvrons l’inventaire dressé après la mort de
L’opération se termine par le polissage, qui
Gabrielle d’Estrées (1399), et nous y trouverons la
preuve que déjà le jais était de mode. « Cinq petits s’obtient en secouant les tubes de jais dans un
bonnets de satin noir dont deux en broderie de jetz, sac contenant du sable, puis dans un autre
un tout plein — une robe de satin noir en bordure qui contient du son. Ce frottement leur rend
de jetz par tout le corps et les manches ouvertes,
prisée quarante écus (1). » le poli et l’aspect brillant que leur avait fait
perdre l’action du feu.
Le jaïet si répandu aujourd’hui dans l’art
de la passementerie, et qui entre dans la pa Perles de verre et grains de collier. — La
rure des femmes chez toutes les nations, n’est
description minutieuse que nous venons de
(1) 2' édition, 18C9, chez Hachette, p. 181. donner de la préparation des tubes noirs qui