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136 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
nom de Pintadine mère-perle (Meleagrina légèrement la table avec la boule de verre
niargaritifera). La formation d’une perle à encore ramollie par la chaleur; — on produit
l’intérieur de l’huître est le résultat d’une ainsi quelques méplats destinés à imiter la
maladie de ce mollusque (1). L’aspect nacré, nature. Enfin on coupe le tube au point où
chatoyant, étincelant à la lumière artifi commence la boule de forme irrégulièrement
cielle, qui est propre aux perles fines, et qui sphérique que l’on vient d’obtenir.
fait leur prix excessif, a défié longtemps Une bonne ouvrière peut faire dans sa jour
l’art des lapidaires qui voulaient imiter ce née 300 de ces perles, elles lui sont payées à
produit naturel. Ce fut un ouvrier ou un fa Paris 2 fr. 50 le cent. Le remplissage et la
bricant de Paris, nommé Jacquin, qui, au coloration des perles sont confiés à d'autres
milieu du siècle dernier, fit cette étrange dé femmes.
couverte que la substance nacrée qui parsème L’ouvrière chargée de ce travail a devant
les écailles de l’ablette, poisson de ri elle une série de compartiments, contenant
vière gros comme le petit doigt, est suscep des milliers de perles classées suivant leur
tible, d’abord d’imiter à s’y méprendre l’effet grosseur, et posées de manière à laisser ap
chatoyant et lumineux de la perle naturelle, paraître l’orifice. Elle commence par enduire
ensuite de se conserver indéfiniment, et de l’intérieur du globule de verre d’une légère
se prêter ainsi de toutes manières à l’imita couche de colle de gélatine chaude; puis elle
tion des perles fines. prend un tube creux et effilé, et le trempe
L’industrie créée par Jacquin, le patenô- dans une pâte demi-liquide, qui n’est autre
trier, a pris de nos jours beaucoup de déve chose que la matière blanchâtre, que l’on a
loppement. Elle occupe à Paris un nombreux obtenue en raclant les écailles de l’ablette. En
personnel d’ouvriers et ouvrières. Voici de soufflant par un bout dans ce tube, qui porte
quelles opérations successives elle se com une certaine quantité de pâte d’ablette, et
pose. introduisant l’extrémité effilée du tube dans
C’est à la lampe d’émailleur que se prépare l'orifice du globule de verre, déjà enduit de
d’abord le petit globule de verre qui doit de colle, l’ouvrière y fait pénétrer une certaine
venir la fausse perle. A cet effet, l’ouvrière, quantité de la matière colorante. Enfin
assise à sa table, devant la lampe d email- une goutte de colle de gélatine ferme la perle,
leur, prend des tubes de verre blanc de ! quand elle ne doit pas être employée à for
30 centimètres de long et d’un diamètre mer des colliers, et qu’elle doit être montée
d’environ 8 millimètres. Elle commence par en parure.
étirer ce tube de manière à réduire son dia Si les grains de ces perles fausses sont des
mètre à la dimension que doit avoir la perle; tinés à former des colliers, il faut qu’ils aient
puis elle casse ce tube fin en très-petits frag deux orifices en regard l’un de l’autre. C’est
ments (de 10 à 15 centimètres). Elle prend le souffleur de verre qui a livré les grains
alors un de ces petits tubes, fond l’une de ses selon la forme nécessaire. Dans ce dernier
extrémités au dard de sa lampe (fig. 97), et cas, il a dû pratiquer, par le soufflage, un
souffle à celte extrémité, une boule qui sera second orifice à la petite sphère irrégulière
la perle fausse. Pour imiter les bosselures, les qu’il obtenait à la lampe.
irrégularités de la perle naturelle, qui n’est Une ouvrière chargée de remplir de ma
jamais exactement sphérique, il faut frapper
tière colorante les perles fausses, peut en
(1) Voir sur la pêche des Pintadines mères-perles ou des produire, dans sa journée, jusqu’à 40,000.
Huîtres perlières, et sur l’origine des perles, le volume inti Avant la découverte de Jacquin, on imi
tulé Zoophytes et Mollusques, p. 314-320 de notre Tableau
de la nature (in-8 illustré, Paris, 18G6, chez Hachette). tait très-mal les perles, eu se servant de