Page 141 - Les merveilles de l'industrie T1
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             nom de Pintadine mère-perle (Meleagrina   légèrement la table avec la boule de verre
             niargaritifera). La formation d’une perle à   encore ramollie par la chaleur; — on produit
             l’intérieur de l’huître est le résultat d’une   ainsi quelques méplats destinés à imiter la
             maladie de ce mollusque (1). L’aspect nacré,   nature. Enfin on coupe le tube au point où
             chatoyant, étincelant à la lumière artifi­  commence la boule de forme irrégulièrement
             cielle, qui est propre aux perles fines, et qui   sphérique que l’on vient d’obtenir.
             fait leur prix excessif, a défié longtemps   Une bonne ouvrière peut faire dans sa jour­
             l’art des lapidaires qui voulaient imiter ce   née 300 de ces perles, elles lui sont payées à
             produit naturel. Ce fut un ouvrier ou un fa­  Paris 2 fr. 50 le cent. Le remplissage et la
             bricant de Paris, nommé Jacquin, qui, au   coloration des perles sont confiés à d'autres
             milieu du siècle dernier, fit cette étrange dé­  femmes.
             couverte que la substance nacrée qui parsème   L’ouvrière chargée de ce travail a devant
             les écailles de l’ablette, poisson de ri­  elle une série de compartiments, contenant
             vière gros comme le petit doigt, est suscep­  des milliers de perles classées suivant leur
             tible, d’abord d’imiter à s’y méprendre l’effet   grosseur, et posées de manière à laisser ap­
             chatoyant et lumineux de la perle naturelle,   paraître l’orifice. Elle commence par enduire
             ensuite de se conserver indéfiniment, et de   l’intérieur du globule de verre d’une légère
             se prêter ainsi de toutes manières à l’imita­  couche de colle de gélatine chaude; puis elle
             tion des perles fines.                    prend un tube creux et effilé, et le trempe
               L’industrie créée par Jacquin, le patenô-   dans une pâte demi-liquide, qui n’est autre
             trier, a pris de nos jours beaucoup de déve­  chose que la matière blanchâtre, que l’on a
             loppement. Elle occupe à Paris un nombreux   obtenue en raclant les écailles de l’ablette. En
             personnel d’ouvriers et ouvrières. Voici de   soufflant par un bout dans ce tube, qui porte
             quelles opérations successives elle se com­  une certaine quantité de pâte d’ablette, et
             pose.                                     introduisant l’extrémité effilée du tube dans
               C’est à la lampe d’émailleur que se prépare   l'orifice du globule de verre, déjà enduit de
             d’abord le petit globule de verre qui doit de­  colle, l’ouvrière y fait pénétrer une certaine
             venir la fausse perle. A cet effet, l’ouvrière,   quantité de la matière colorante. Enfin
             assise à sa table, devant la lampe d email-   une goutte de colle de gélatine ferme la perle,
             leur, prend des tubes de verre blanc de  ! quand elle ne doit pas être employée à for­
             30 centimètres de long et d’un diamètre   mer des colliers, et qu’elle doit être montée
             d’environ 8 millimètres. Elle commence par   en parure.
             étirer ce tube de manière à réduire son dia­  Si les grains de ces perles fausses sont des­
             mètre à la dimension que doit avoir la perle;   tinés à former des colliers, il faut qu’ils aient
             puis elle casse ce tube fin en très-petits frag­  deux orifices en regard l’un de l’autre. C’est
             ments (de 10 à 15 centimètres). Elle prend   le souffleur de verre qui a livré les grains
             alors un de ces petits tubes, fond l’une de ses   selon la forme nécessaire. Dans ce dernier
             extrémités au dard de sa lampe (fig. 97), et   cas, il a dû pratiquer, par le soufflage, un
             souffle à celte extrémité, une boule qui sera   second orifice à la petite sphère irrégulière
             la perle fausse. Pour imiter les bosselures, les   qu’il obtenait à la lampe.
             irrégularités de la perle naturelle, qui n’est   Une ouvrière chargée de remplir de ma­
             jamais exactement sphérique, il faut frapper
                                                       tière colorante les perles fausses, peut en
              (1) Voir sur la pêche des Pintadines mères-perles ou des   produire, dans sa journée, jusqu’à 40,000.
             Huîtres perlières, et sur l’origine des perles, le volume inti­  Avant la découverte de Jacquin, on imi­
             tulé Zoophytes et Mollusques, p. 314-320 de notre Tableau
             de la nature (in-8 illustré, Paris, 18G6, chez Hachette).  tait très-mal les perles, eu se servant de
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