Page 146 - Les merveilles de l'industrie T1
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LE VERRE ET LE CRISTAL.                                141

           Ainsi, en Angleterre, la patrie du cristal, un   public le procédé pour la fabrication du
           disque de flint d’un demi-pied, faisait naître   flint-glass, qui lui avait été communiqué par
            une admiration générale. On peut juger par   MM Bontemps et Guinand fils.
           là de la difficulté que devait offrir cette fabri­  On apprit, de cette manière, en quoi con­
           cation.                                   sistait le fameux secret.
             La Société royale de Londres était en pour­  Il y avait d’abord une composition spé­
           parlers avec Guinand, pour l’achat de son pro­  ciale pour le cristal et le verre, composi­
           cédé, et le gouvernement français s’était mis,   tion que nous donnerons plus bas, et qui
           de son côté, en rapport avec lui dans le même   fournissait le flint et le crown avec le maxi­
           but, lorsque ce digne inventeur, alors âgé de   mum de puissance réfringente. Ensuite, et
           quatre-vingts ans, mourut à Neuchâtel. On   surtout, il y avait un tour de main qui assu­
           craignait qu’il n’eût emporté avec lui le secret   rait l’homogénéité de la matière, en évitant
           de son industrie. Heureusement ses deux fils   les stries, les soufflures, les bulles, qui sont
           et sa femme, devant lesquels il avait toujours   l’écueil ordinaire des fontes de flint-glass.
           opéré, connaissaient son procédé et ne de­   Le cristal, c’est-à-dire le silicate de plomb,
           mandaient pas mieux que d’en tirer parti.  | étant extrêmement lourd, a une tendance
             Ce fut M. Bontemps, verrier de Choisy-le-   continuelle, quand la composition vitrifiable
           Roi, près de Paris, l’auteur du savant traité,   est fondue, à tomber au fond du creuset, en
           le Guide du verrier, que nous avons cité plu­  se séparant des silicates de potasse et de chaux
           sieurs fois dans le cours de cette Notice, qui   plus légers, qui sont mélangés avec lui. Le
           acheta ce procédé à Guinand fils, horloger à   flint a une tendance invincible à la liquation,
           Clermont-sur-Oise, par un acte en date du   ce phénomène que présentent presque tous
           30 mai 1827. Tout aussitôt M. Bontemps     les alliages, et qui fait qu’un alliage, quand il
           se mit à fabriquer du flint-glass irrépro­  se refroidit avec lenteur, se partage en 7 ou 8
           chable. En sa qualité de verrier très habile et   couches superposées, d’une composition dif­
           très-instruit, M. Bontemps avait commencé   férente, et qui se succèdent dans l’ordre de
           à perfectionner encore le procédé de Gui­  leur densité. Ce même phénomène physique
            nand. En 1828, MM. Bontemps et Lerebours   se produit pour le flint-glass. Pendant qu’il
            présentèrent à l’Académie des sciences de   se refroidit, il se sépare en 7 ou 8 couches,
            Pans un disque de flint d’un pied de diamè­  formées de silicate de potasse et de silicate
            tre,” travaillé par M. Lerebours, et un autre   de plomb qui sont de plus en plus denses à
            disque du même volume, qui, travaillé en   partir du niveau supérieur du bain. Cette
            Angleterre par Tulley, donna un excellent   liquation a pour effet, quand le cristal est re­
            objectif de lunette astronomique.         froidi et solidifié, de donner une matière qui
              La fabrication du flint-glass ne prenait pas   varie de composition et de pouvoir réfringent,
            toutefois l’essor que l’on aurait désiré. Aussi,   dans des proportions si fortes que les lentilles
            en 1839, la Société d’Encouragement pour   taillées dans cette masse, produisent dans les
            l'industrie nationale proposa-t-elle deux prix   images des déformations intolérables.
            pour celte fabrication, avec la condition de   Pour combattre cet effet, pour empêcher la
            rendre publics les procédés pratiques.    liquation du cristal, Guinand introduisait
              Ce prix fut facilement remporté par     dans le creuset rouge un agitateur, qui mélan­
            MM. Bontemps et Guinand fils. Ce dernier   geait les couches, et il brassait fortement la
            était resté associé de M. Bontemps pour la   matière jusqu’à ce qu’elle sefûtpriseen masse
            fabrication des verres d’optique.         par le refroidissement.
              La Société d’Encouragement rendit alors   Une fois rendus publics, les procédés de fa­
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