Page 95 - Les fables de Lafontaine
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LE LOUP ET LE CHIEN 9’
Sur le Mulet du fisc * une troupe se jette,
Le saisit au frein * et l’arrête. io
Le Mulet, en se défendant4,
Se sent percer de coups ; il gémit, il soupire.
— « Est-ce donc là *, dit-il, ce qu’on • m’avait promis ?
Ce Mulet qui me suit du danger * se retire,
Et moi, j’y tombe et je péris. 15
— Ami, lui dit son camarade,
Il n’est pas toujours bon d’avoir un haut * emploi.
Si tu n’avais servi qu’un meunier, comme moi,
Tu ne serais pas si malade *.
Exercice complémentaire. — Décrivez l’attitude et les senti
ments du Mulet chargé d’avoine, avant et pendant l’attaque.
5. — LE LOUP ET LE CHIEN
Sources. — Phèdre ; Avianus ; Corrozet ; Haudent ; Meslier.
Intérêt. — Chef-d’œuvre de narration dialoguée. Le portrait
antithétique des deux personnages, les péripéties, tout se peint
par les propos du Chien et du Loup ; l’auteur passe avec une
aisance et un à-propos parfaits du style indirect au style direct,
du monologue à peine coupé au dialogue à répliques serrées. Pas
de morale exprimée ; cette morale est suggérée par les derniers
mots du Loup.
Un Loup n’avait que les os et la peau,
Tant les chiens faisaient bonne garde.
Ce Loup rencontre un dogue * aussi puissant • que beau,
Gras, poli *, qui s’était fourvoyé • par mégardex.
L’attaquer, le mettre en quartiers * 2, 5
Sire * Loup l’eût fait volontiers :
Mais il fallait livrer bataille,
Et 1# mâtin * était défaille
4. En se défendant, équivoque expressive : il est percé de coups parce
qu'iï se défend, et il se sent percer de coups pendant qu'i\ se défend.
1. Entrée en matière antithétique, 26, b. — 2. Objet absolu, 29, 1.