Page 92 - Les fables de Lafontaine
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88           FABLES. — LIVRE PREMIER

               — Nuit et jour, à tout venant *,
               Je chantais, ne vous déplaise.        20
               •— Vous chantiez ? j’en suis fort aise 2.
               Eh bien! dansez maintenant! »

        Exercice complémentaire. — La Fourmi s’ennuie à mourir
      au milieu de ses provisions. Elle demande au Grillon de venir la dis­
      traire. Il la renvoie à la Cigale. Racontez la scène.




              2.  — LE CORBEAU ET LE RENARD

        Sources. — Ésope ; Phèdre ; Corrozet ; Haudent ; la fable est
      également racontée par Apulée (les Florides, IV, ch. 18) et dans
      la Farce de l’Avocat Pathelin (438-453).
        Intérêt. — Fable-portrait. Portrait en action du flatteur aux
      prises avec sa victime : pourquoi il s’attaque à elle ; comment il
      l’aborde ; comment il chatouille sa vanité ; comment il se moque
      d’elle après l’avoir dépouillée. Le Corbeau ne joue qu’un rôle
      passif. La description est limitée à quelques vers, admirablement
      pittoresques.
          Maître * Corbeau, sur un arbre perché1,
             Tenait en son bec un fromage.
          Maître Renard, par l’odeur alléché,
             Lui tint à peu près ce langage 2 :
             — « Eh! bonjour, monsieur * du Corbeau. 5
      Que vous êtes joli! que vous me semblez beau!
             Sans mentir, si votre ramage
             Se rapporte • à votre plumage,
      Vous êtes le phénix * des hôtes de ces bois! »
      A ces mots, le Corbeau ne se sent pas de joie ;   10

        2. Ne vous déplaise et je suis fort aise sont des formules usuelles de
      la courtoisie du temps, l’une répondant à notre « si vous le permettez »,
      et l’autre à : '«j’en suis enchantée ». Mais leur opposition et le ton donnent
      ici, à la seconde, une nuance d’amère ironie.
        1. Inversion, 23, y. — 2. Entrée en matière descriptive, 26, b.
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