Page 93 - Les fables de Lafontaine
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LA GRENOUILLE AUSSI GROSSE QUE LE BŒUF 89
Et, pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie 3.
Le Renard s’en saisit et dit : « Mon bon * monsieur *,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l’écoute *. 15
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute. »
Le Corbeau, honteux et confus,
Jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus.
Exercice complémentaire. — De retour à son terrier, le Renard
décrit à sa famille comment il a tiré parti de la vanité du Corbeau
pour lui subtiliser le fromage.
3. — LA GRENOUILLE QUI SE1 VEUT FAIRE
AUSSI GROSSE QUE LE BŒUF
Sources. — Phèdre ; Haudent ; Corrozet. Horace a conté
brièvement cette fable, Satire II du livre III, 314-320. Il y est
fait également allusion dans la Satire Ménippée (harangue du
recteur Roze).
Intérêt. — Fable de satire sociale. Le but est de ridiculiser la
« sotte vanité » qui pousse les petits à vouloir se faire aussi gros
que les « gros » ; d’où l’invraisemblance voulue de l’action, qui
pousse l’idée à la charge.
' Une Grenouille vit un Bœuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle qui n’était pas grosse en tout comme un œuf,
Envieuse, s’étend *, et s’enfle 2, et se travaille *
Pour égaler l’animal en grosseur, 5
Disant : « Regardez bien, ma sœur 3,
3. Harmonie imitative, 23, t.
1. Complément de l’infinitif, 29, d. — 2. Allusion, 23, e. — 3. Ma
sœur, une autre grenouille. Trait de mœurs : le vaniteux essaie de jeter
de la poudre aux yeux de ses pareils, qui ne s’en laissent pas conter.