Page 78 - Les fables de Lafontaine
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LES FABLES DE LA FONTAINE
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penchant invincible. Il doit sa fortune littéraire à ses grâces de
parfait honnête homme, c’est-à-dire de parfait homme du monde,
à son génie, à son travail. Pour écrire les fables qui ont fait le meil
leur de son éclatant succès et assuré sa gloire durable, il a étudié
à peu près tout ce qu’on pouvait étudier de son temps. Il a tiré
la fable de l’obscurité dont personne n’avait encore réussi à la
faire sortir, et il en a fait un genre littéraire en donnant, dans la
composition, la première importance au récit. C’est un conteur
d’un talent extraordinaire : le récit, sous sa main, prend tous les
tons, toutes les formes. Il a d’abord pratiqué, dans son recueil
de 1668, la fable ornée, au récit pittoresque et dramatique, mais
sobre et de composition serrée ; dans son deuxième recueil de
1678-1679, il a pratiqué la fable variée, qui emprunte beaucoup
de ses grâces et de ses libertés à la conversation mondaine. Dans
son troisième recueil de 1694, on trouve des fables pédagogiques,
écrites presque certainement d’accord avec Fénelon pour le duc
de Bourgogne.
La morale des fables est celle de l’honnête homme classique :
pratique, prudente et pessimiste.
Sa langue est difficile, formée artistement d’éléments très compo
sites, et il importe, si l’on veut vraiment comprendre une fable
dans ses détails, de chercher tous les mots signalés par un asté
risque dans le Lexique qui termine le volume.