Page 76 - Les fables de Lafontaine
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7»         LES FABLES DE LA FONTAINE
             t)  Pluriel des noms abstraits. Employés au pluriel, les mots
           abstraits prennent un sens concret :
                 Roulant en son cœur ces vengeances. (XI, 3, 19.)
           pour : ces projets de vengeance.
            u)  Qualificatif devant le nom. Le qualificatif épithète se
           plaçait autrefois généralement devant le nom. La Fontaine suit
           très souvent cet usage, soit par archaïsme, soit par poésie, soit
           simplement pour suivre l’usage de son temps : La grecque beauté,
           pour : la beauté grecque (Hélène).
            f) Réfléchi pour le passif. Rien n’a plus varié, dans l’his­
           toire de la langue, que l’usage du passif et du réfléchi. La Fontaine'
           emploie souvent, conformément à l’usage du temps, les réfléchis
           dans des cas où nous employons le passif : tout s’employa, pour :
           tout fut employé. Cette perte ne se put réparer, pour : ne put être
           réparée.
            x) Relatif séparé de son antécédent. Le français du
           XVIIe siècle est beaucoup moins attentif que nous à réunir le relatif
           et son antécédent. La Fontaine les sépare souvent : Un loup sur­
           vint à jeun qui cherchait aventure.
            2) Style indirect. La Fontaine est un virtuose du style indi­
           rect. Nul auteur n’en fait un usage plus souple, plus expressif.


             1.  Le style indirect complétif, où les paroles du sujet sont rap­
           portées sous forme de propositions complétives commençant par
           que :
              (Le doyen) opina qu’il fallait, et plus tôt que plus tard
              Attacher un grelot au cou de Rodilard,
              Qu’ainsi, quand il irait en guerre, etc. (II, 2, 15 et suiv.)
             2.  Le style indirect libre où l’on rapporte les paroles ou les pen­
           sées du sujet sous forme de phrases indépendantes, à un temps
           historique, qui est souvent l’imparfait : Il nageait quelque peu,
           mais il fallait de l’aide (IV, 11, 21), pour : il disait qu’il nageait...
             La Fontaine use des trois styles : direct, indirect complétif,
           indirect libre, passant de l’un à l’autre selon l’importance drama­
           tique qu’il veut donner aux paroles rapportées. C’est ainsi que la
            prière d’un ton si retenu et si discret des ambassadeurs, dans
            VII, 3, est rapportée au style indirect libre, tandis que la réponse
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