Page 71 - Vincent_Delavouet
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          naient un énorme bénéfice. Donc, il y avait large compen­
          sation. Puis, j’achetai, avec des « bank-notes », dont j’étais
          assez bien fourni, de l’or aux prospecteurs qui trouvaient
          leur bénéfice à ne pas courir les risques de l’envoyer à San-
          Francisco. J’avais trouvé un filon !
            Pendant ce temps, mes trois compagnons, découragés de
          voir les difficultés de toutes natures qui les empêchaient
          d’exercer pqur leur compte leur métier et n’ayant pas les
          énormes capitaux utiles pour procéder à des extractions,
          n’eurent que la ressource de se mettre simples ouvriers au
          compte des autres. C’est ainsi que je les perdis de vue.
            Quelques mots sur les mœurs et coutumes de la popula­
          tion cosmopolite, qui composait alors Fairbank, ville d’à
          peine 1500 habitants, en comptant même les environs.
            Il faut dire qu’il n’y avait guère qu’une année que ces
          gisements aurifères avaient été découverts, aussi était-ce
          plutôt un embryon de ville, où le whyski coulait à flot et les
          maisons de jeu surgissaient de toute part, mais où les vivres
          et les objets de nécessité étaient, à cette époque, presque
          inconnus et atteignaient ainsi des prix exorbitants.
            Ces maisons de jeux étaient alors en pleine activité, tenues
          en général par des individus peu scrupuleux et payés par les
          tenanciers de ces bars où l’alcool régnait en maître.
            Le baccarat et le pocker étaient alors les jeux les plus en
          faveur et ces « grecs » savaient drainer l’or abondant dans
          leurs poches et dans celles de leurs complices.
            Qu’on se figure plusieurs tables de jeu, tenues chacune par
          un « croupier ». En arrivant, le joueur devait verser sur la
          table l’or qu’il avait l’intention d’exposer, après cependant
          qu’on le lui avait pesé. Et comme il arrivait presque toujours
          que le pigeon, après alternatives de gain et de perte, devait
          être plumé, le tas d’or grossissait toujours et servait d’appât
          à ces prospecteurs qui « nageaient dans l’or ». D’ailleurs, ces
          maisons de jeux, qui apparaissaient dès l’ouverture d’une
           mine, étaient alors une plaie, un chancre, qui heureusement
          devait disparaître quelques années plus tard.
             Il n’était pas rare de voir, dans des villes comme Seattle,
           point de départ et d’arrivée des prospecteurs, des fortunes
           entières se volatiliser dans ces tripots ; l’ouvrier, le commer-
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