Page 70 - Vincent_Delavouet
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                J’insisterai particulièrement sur la façon dont nous éta­
              blissions notre campement de nuit. Lorsque la nuit arrivait,
              vers 4 heures du soir environ, quoique fourbus et rompus de
              fatigue, nous étions encore obligés de nous mettre à*la
              recherche de branchages et de bois qi ’il fallait débiter. Cha­
              cun de nous quatre avait son attribution spéciale, l’un
              s’occupait des branchages qui devaient nous servir de som­
              mier entre la neige et nos fourrures, un autre installait une
              tente à l’abri autant que possible des rafales, un troisième
              s’occupait de l’eau, alors que le quatrième faisait du feu
              et s’occupait de faire la soupe.
                Je laisse à penser l’énorme fatigue qui nous fermait les
              paupières, après cette besogne terminée. Aussi ne songions-
              nous même pas à veiller sur notre sécurité en nous relayant-
              la nuit pour la surveillance de notre campement.
                Nous dormions comme des brutes et il nous fallait, le
              lendemain avant le jour et à tâtons, replier bagage et nous
              dépêcher de profiter des six heures de jour ou plutôt de cré­
              puscule qui éclairait faiblement notre chemin.
                C’est ainsi que nous passâmes vingt-deux jours et autant
              de nuits à remorquer nos deux traîneaux, dans lequel nous
              avions nos vivres et objets indispensables, avec cette
              menace continuelle de tourbillons de neige impalpable, com­
              parable à de la farine. Et c’est ainsi que nous arrivâmes à
              franchir les 800 à 900 kilomètres qui nous séparaient de
              Fairbank.
                Une fois arrivés à Fairbank, vers fin avril, nos misères
              n’étaient- pas terminées ! Obligés de nous installer dans un
              terrain vague, avec notre tente comme seul abri, ayant
              presque épuisé nos provisions de bouche, il nous fallut
              nous contenter de la maigre pitance que l’on ne pouvait se
              procurer qu’à prix d’or (textuel). Après avoir quitté la riche
              Californie et sa fertile abondance, nous pouvions faire des
              comparaisons assez pénibles. Pour nous procurer un maigre
              repas, composé de haricots avariés, une tranche de jambon
              fumé et une tasse de thé, il nous fallait dépenser au moins
              trois dollars chacun (15 francs). Il est vrai que, d’autre part,
              ma bijouterie s’enlevait comme du « pain » et les bénéfices
              réalisés sur les bagues ciselées, particulièrement, me don-
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