Page 51 - Decrets mars
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leur étaient arrivées par centaines, comme un cri de la répro-
bation publique au nom de plusieurs personnages représentant
les différents partis. Ceux qui conservaient quelque confiance
dans le gouvernement actuel, comme ceux plus nombreux
encore, qui vivent éloignés des mouvements de la politique,
éprouvèrent une grande el douloureuse surprise. Beaucoup
avaient regardé longtemps comme impossible que les décrets
de Mars fussent exécutés dans toute leur rigueur, principale-
ment dans cette province de Savoie où les religieux jouissaient
depuis les traités tl'annexion, d'une situation particulière. Les
uns et les antres ont dît se convaincre qu'on ne peut pins dé-
sonnais avoir la moindre confiance dans la modération de la
troisième République.
Quoiqu'il en soit, l'opinion publique réclamait une satisfac-
tion pour le domicile violé et la liberté méconnue. Elle faisait
un devoir aux RR. PP. Capucins lie saisir de ces faits scanda-
leux la justice de nos tribunaux. Ils le firent le quinze du même
mois, en déposant devant le tribunal civil de Thonon, de con-
cert avec le propriétaire de leur couvent, une demantle en
réintégration de leur immeuble et en dommages intérêts contre
les sieurs Emile Carron, sous-préfet et Plantaz, serrurier.
Quelques-uns out pensé qu'après la décision dn tribunal des
conllits, statuant de manière à fermer toutes les portes d'une
revendication de leurs droits aux religieux expulsés, il était
inutile d'en appeler aux tribunaux ordinaires, attendu que l'on
ne pouvait altendre <lr. leurs jugements aucun résultat effectif.
La qnestion, à notre avis, doit être considérée de plus haut, et
tel a été le sentiment <le tant <le Congrégations que celte pers-
pective n'a pas fait reculer <levant un procès. Il était nécessaire
de porter la chose devant l'opinion publique, de 1111 donner
tonte l'importance qu'elle mérite, toute l'extension qui convient
à une cause d'un ordre si élevé. Nul ne prétendra que le juge-
ment de près <le deux cents tribunaux contre trois prenant, au
fond, le parti des victimes contre .les oppresseurs, ne soit un
'1ocument public d'une gravité qui pèsera dans l'histoire.
C'est un p effet moral immense qu'il fallait obtenir, a défaut
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