Page 47 - Decrets mars
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         A quatre heures,  les  onze  religieux.  ex.pulsés,  accompagnés
       de l\lonsieur  !'archiprêtre  et  du  clergé  de  la  ville  et des  envi-
       rons,  se  sont  dirigés  vers  la  cure,  suivis  d'une  population
       d'environ  quinze  cents  personnes.
         M.  l'avocat Ramel  et  M.  Amédée de  Foras donnaient le  bras
       au  R.  P.  Frédéric,  accompagné de  Mousieur  le  cnré,  de  M.  le
       vicomte  Fernex et de  MM.  de  Boigne  et  Mudry.  Chaque  rdi-
       gieux  était escorté de  plusieurs  laïques. Sur le  parcours,  à part
       un  groupe  hostile  imperceptible  qui  se  contente  de  ne  pas
       saluer le  cortège,  la  sympathie est  universelle. Une dame  vient
       présenter un bouquet ii l'un  des  persécutés. M. de  Rottembourg
       descend  de sa  voitme  et vient  serrer la  main  de  chaque  reli-
       gieux.  La  consternation  règne  dans  toute  la  ville.  La  foule
       calme,  consternée,  parcourt en silence  le  faubourg  des Ursules,
       la  place  Chàteau,  la  Grand'rue  et  vient  s'arrêter  devant  la
       cure sur  la  place de  l'église où  M.  le  curé  la  remercie au  nom
       des  religieux  expulsés  et  l'engage  à  demander à Dieu  dans  le
       calme et la  prière,  des jours  meilleurs pour la  France  et  pour
       la  religion.
         Bien  des  personnes étaient  accourues à la cure  pom solhc1ter
       du  R.  Père  gardien  l'honneur  de  recevoir  chez  elles  un  ou
       plusieurs  religieux.  Les  deniandes  semblables  étaient  trop
       nombreuses  soit  de  la  ville  soit  de  la  campagne  pour  être
       toutes satisfaites.  Le  R.  Père gardieu  distribua provisoirement
       ces  religieux dans diverses familles  de  Thonon,  <l'où ils se sont
       ensuite dispersés dans  les  communes  de  l'arrondissement.
         Tel  est le  récit exact  des  événements  de  cette  triste,  mais
       belle  journée  du  5  uovembre  1880.  Il  est  publié  sur  les
       dépositions  écrites  des  auteurs  et  des  témoins  de  ce  drame
       politique  autant que  religieux,  s'il  est  trop  long,  il  fallait qu il
       le  fût,  sous  peine d'être incomplet.  Ou  reste,  il  faut  que  tous
       ces  actes  de  foi  se  couservent,  ils  sont  I honneur du  vieux
       blason  ou  le  blason  du  vieil  honneur des  familles.  Ils  se  déta-
  11   cheront,  dans  les  ombres  de  cette  date  sinistre,  comme  de
       purs  ravons  de  lumière  en  une  nuit  orageuse.  Ils  porteront
       aux  nûtres  quelque  consolation  et  frapperont  d'un  démenti
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