Page 43 - Decrets mars
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     à M.  Carion,  comme  étant  son  droit,  le  désir  de  garder  pour
     administrateur  le  P.  Ladislas  et  un  Frère  pour  le  servir.  Le
     sous-préfet refuse  le  ~'rère et répond que  le  P.  Ladislas peut
     faire  sa  popotte lui-même ...  La  vive  réprobation  que  soulè-
     vent  ces  mots  rappelle  le  sous-préfet  au  sentiment  de  sa
     dignité,  il se  reprend  et  assure qu'il  y pourvoira.  Le  Pèrn  et
     ses  deux  témoins,  conduits  sous  le  bras  par  des  soldats
     honteux de leur rôle,  sont  accueillis  à  leur apparition  par des
     tonnerres  d'applaudissements.  L'enthousiasme  est  à  son
     paroxisme.  Des  cris  éclatent  de  toutes  parts :  Vive  le  Père
     gardien !  Vive  le  Père  des  pauvres !. ..  Vivent  les  défenseurs
      de  la  foi  !. . .  Ils  sont  ensevelis  sous  une  véritable  avalanche
      de  fleurs  et de  couronnes.  On  les  entoure,  on  les  presse,  les
     mains  se  tendent  vers  eux.  Mmes  de  Foras  et  Delesvaux
     implorent  au  nom  de  tous  la  bénédiction  du  R.  P.  gardien.
     La  foule  entière,  agenouillée  dans  la  boue,  la  reçoit  avec
     émotion.  Les  acclamations  redoublent.  On  entend  une  brave
      femme,  Marie  Dumond,  prendre  le  ciel  à  témoin  de  sa
      navrante  douleur :  « Qui  me  donnera  désormais  le  pain  de
                 1
     mes enfants 1 » Ces  mots  arrachent des  larmes.
       Cellule N°  !J.  Saint Didace.  -  Le  dernier  Père  expulsé
     est le  P.  Jean-Marie,  le  prédicateur  éloqtient  et  sympathique
     des stations  quadragésimales  de  notre  pays.  Avant  de  céder
     à  la  force,  il  fait  entendre  au  sous-préfet  de  dures  vérités,
      entre  autres  celles-ci.  « Je  lais,  mou sieur  le  sous-pi éfet,
      toutes  mes  réserves ...  j'entends  revendiquer  tùt  011  tard  les
      droits que je possède et que  vous  méconnaissez.  J'ai pour cela
      dix ans  au  criminel et  trente  ans  pour  les  dommages intérêts
      et vous  savez comme  moi,  monsieur le sous-préfet,  que  depuis
      bien  longtemps,  en  France,  aucun  gouvernement  n atteignit
      cette  durée,  je  suis  donc  sûr  que  justice  me  sera  faite  un
      jour ...  »  A  sa  sortie  un  incident  se  prnduit.  Pendant  qu'on


       1  Il  faut savoir  que  les  religieux  de  Concise  faisaient annuelle-
      ment  pour  1200  francs  d'aumônes  en  soupe  et  autre  nourriture
      distribuées chaque jour.
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